MISHPATIM 5778

La source du droit

וְאֵלֶּה, הַמִּשְׁפָּטִים, אֲשֶׁר תָּשִׂים, לִפְנֵיהֶם

כִּי תִקְנֶה עֶבֶד עִבְרִי, שֵׁשׁ שָׁנִים יַעֲבֹד

« Et celles-ci (weéléh) [sont] les ordonnances que tu placeras devant eux. Si tu achètes un serviteur hébreu, il devra servir six années. »

Shemot 21, 1-2

Rashi nous enseigne au nom du Midrash que éléh indique une rupture, tandis que weéléh implique au contraire un lien avec ce qui précède. « De même que que ce qui précède a été proclamé au Sinaï, de même 'celles-ci' ont été proclamées au Sinaï. Pourquoi les lois civiles font-elles immédiatement suite à celles relatives au Mizbéa'h ? Pour te dire que tu devras installer le Sanhédrin près du Mishqan. »

Le lien fondamental est établi.

Le droit ne provient pas de la sagesse humaine, mais de la révélation au Sinaï. La Torah ne laisse aucun doute à cet égard, dès l'ouverture de Mishpatim, la grande Parasha juridique qui établit les bases du premier code civil digne de ce nom.

D.ieu, Créateur du monde, est la source exclusive du droit. « Pas plus que la détermination du bien et du mal, l'homme ne connaît ni l'essence ni la nature de la justice », enseigne le Rav Munk. L'homme ne connaît vraiment ni la Création, ni les créatures, et ne se connaît pas lui-même. D.ieu seul, comme le montre la Torah à chaque verset, possède une connaissance parfaite du monde qu'Il a créé. Lui seul peut fixer nos droits et nos devoirs vis-à-vis d'autrui, car il est seul Maître des lois fondamentales de Sa création, dont le but et le fonctionnement même nous échappent en très grande partie.

La justice, principe critique du droit, appartient à D.ieu seul : « la justice regarde du haut des Cieux », proclame le roi David (Teh. 85,12).

Comment se fait-il, dans ces conditions, que ce considérable édifice de lois, censé donner forme à la justice et à l'humanité commence par le cas d'un homme qui achète un autre homme, et celui d'un père qui vend sa fille ?

« Quelle inconcevable énormité, si cet écrit doit devenir le 'livre de la Loi' du peuple juif et constituer à lui seul la source du droit juif ! » s'exclame Le Rav Shimshon Raphaël Hirsch.

Pourquoi aborder en premier lieu des cas particuliers, marginaux même, comme le voleur insolvable, ou l'homme qui s'est appauvri, du fait de ses errements (comme l'enseigne le traité Qiddoushine).

N'aurait-il pas mieux valu traiter d'abord les règles générales de la vie sociale, des libertés publiques, de la propriété, des contrats, du commerce ?

Ce serait vrai, poursuit le Rav Hirsch, si ce « Livre » constituait en lui-même le code des lois, à la manière du code civil, qui ordonne les lois françaises depuis deux siècles.

Mais ce Livre, cette parole divine est une fondation, un point d'appui, une référence pour une Loi qui a déjà été transmise et étudiée assidûment, dans « la conscience vivante du peuple »

Imaginez-vous cela ? Un peuple entier, qui consacre tout son temps à l'étude de la loi divine, pendant quarante ans ?

« Et ce peuple se l'était déjà parfaitement appropriée, poursuit le Rav Hirsch, lorsque Moshé leur remit ce Livre, avant de quitter ce monde. »

On comprend alors que la Torah évoque en premier les cas particuliers. Pour des hommes qui connaissent déjà tous les détails des lois qui régissent les situations courantes, ces exceptions renforcent leur compréhension des principes généraux !

« Le droit ne devait pas être puisé dans cette Torah, mais cette Torah devait être confiée à celui qui était déjà instruit dans le droit, comme un moyen pour conserver et constamment renouveler la connaissance mémorisée »

Entre la Torah écrite (Torah shebikhtav) et la Torah orale (Torah Shébéalpéh), il y a la même relation qu'entre des notes prises à une conférence, et le texte du conférencier lui-même.

Dans de pareilles notes, une abréviation, un symbole graphique, un simple signe de ponctuation pourront signifier beaucoup, évoquer toute une démonstration, permettre un grand nombre de décisions.

Mais pour celui qui n'a pas assisté à la conférence, de telles notes seront inutilisables (c'est ainsi que nous assistons si fréquemment à des lectures absurdes de notre Livre).

Cette emprunte va marquer la méthode de nos Sages de mémoire bénie, dans la rédaction de la Mishna, puis de la Guémara.

Par exemple le traité Makkot, qui aborde le problème des témoins récusés ('zomémim') en évoquant les cas où, précisément, on ne peut pas les déclarer 'zomémim' !

Le Saba de Kelm donne une autre réponse à la question de savoir pourquoi la Torah ne commence pas par un exposé ordonné des lois civiles, des actes bénévoles, et des règles qui régissent, grâce à D.ieu, le 'hessed dans le 'Am Israël.

Si la Torah avait été d'origine humaine, dit-il, c'est en effet ainsi qu'il eût fallu procéder : parler d'abord des bons Juifs, honnêtes et généreux, et seulement ensuite, des cas marginaux, comme le voleur qui ne peut restituer la valeur de son vol.

Mais la Torah a été donnée par Hashem, qui est notre Père. Or le père d'un enfant qui a commis un vol, D.ieu nous en préserve, va consacrer toute son énergie à faire revenir cet enfant dans la voie de la Torah.

Voilà pourquoi, au moment d'aborder les lois civiles, il donne la première place à la réinsertion du voleur.

Mis en ligne le 6 Adar 5778 - 21 février 2018

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