MATOT-MASSEI 5778

Massei : Le perfectionnement progressif du Peuple

אֵלֶּה מַסְעֵי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, אֲשֶׁר יָצְאוּ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם--לְצִבְאֹתָם: בְּיַד-מֹשֶׁה, וְאַהֲרֹן : וַיִּכְתֹּב מֹשֶׁה אֶת-מוֹצָאֵיהֶם, לְמַסְעֵיהֶם--עַל-פִּי יְהוָה; וְאֵלֶּה מַסְעֵיהֶם, לְמוֹצָאֵיהֶם

« Voici l'itinéraire des enfants d'Israël, depuis qu'ils furent sortis du pays d'Égypte, selon leurs légions, sous la conduite de Moshé et Aharon. Moshé inscrivit leurs départs et leurs stations (motzaeihem lemass'eihem) sur l'ordre de Hashem; voici donc leurs stations et leurs départs (mass'eihem lemotzaeihem) »

Bamidbar 33, 1-2

Le Sfat Emet (Rabbi Yehuda Aryeh Leib Alter - 1847-1905, troisième Rabbi de Gour) observe que notre verset inverse les mots-clé. D'abord, il parle de « motzaeihem » (traduit par « départs ») et de « mass'eihem » (rendu par « stations », ou « étapes »). À la fin du verset, les termes sont intervertis : « mass'eihem lemotzaeihem ».

La première formulation, poursuit le Maître cité par Rabbi Natan 'Haïm Leff, correspond à la simple réalité observable : pour que notre histoire puisse commencer, il faut d'abord que nous quittions l'Égypte. D'où le terme de « motzaeihem » dont la racine Iud-Tzadeh-Aleph fait irrésistiblement penser à « Yetziat Mitsraïm » (la sortie d'Égypte), une formule et un événement si présents dans toutes nos prières.

Le texte le confirme d'ailleurs de manière explicite : « Voici l'itinéraire des enfants d'Israël, depuis qu'ils furent sortis du pays d'Égypte »

Une fois cette première libération accomplie, on peut en venir aux étapes, à l'itinéraire...


Tout se passe comme si notre affranchissement de l'oppression égyptienne n'avait pas été un événement unique et limité dans le temps, au cours duquel nous aurions accédé une fois pour toutes à un niveau supérieur dans notre relation avec Hashem.

Au contraire, on observe que chaque « massa » (étape) nous a davantage éloignés de l'Égypte. En fait, pour échapper au cloaque d'impureté qu'était l'Égypte, il a fallu procéder par étapes successives. C'est ce que le Sfat Emet déduit du pluriel « lemotzaeihem ». Beaucoup de petites « sorties d'Égypte » ont été nécessaires...

Ces étapes se sont poursuivies jusqu'au but ultime : l'entrée en Eretz Yisrael. Cette dimension, celle d'un objectif clair, était décisive.

Bien souvent, lorsque l'homme parvient à se sortir d'une situation difficile, mais n'a pas de but positif au delà, il sort de la marmite pour tomber dans les braises, comme le dit un proverbe yiddish.

On pense ici, entre autres exemples, à ces nombreux Juifs d'Europe centrale qui voulurent quitter la misère terrible du Shtetl, rompirent avec leur Yiddishkeit, et dans leur quête de justice sociale, se perdirent corps et âme dans l'idéologie bolchevique.

Pour le Sfat Emet, il s'agit de passer de la « sortie », qui consiste à se libérer « de » quelque chose, à la liberté « vers » quelque chose.

Et cette distinction permet d'en venir à une nouvelle question : pourquoi la matérialité (gashmiyout) est-elle si séduisante, malgré le fait qu'elle n'a pas de véritable existence ?

HaQadosh Baroukh Hou a organisé ainsi la Création pour que l'homme qui lutte pour se rapprocher de Lui le fasse pour de bonnes raisons ! Si la matérialité était repoussante, l'homme pourrait « sortir » et rechercher Hashem uniquement à cause de son dégoût pour la matérialité. Mais Il veut que l'homme se rapproche de Lui pour une raison positive, parce qu'Il est notre véritable but dans l'existence.

C'est ce que signifie le verset lorsqu'il dit : « motzaeihem lemass'eihem ». Que nos départs, nos « sorties d'Égypte » se donnent pour but les « étapes » de l'accomplissement de nos véritables objectifs !


Dans le même ordre d'idées, le Admour de Skoulen (Rabbi Eliézer Zusia Portugal - 1898-1982) note que notre Parasha est lue chaque année dans la période dite de « ben hametsarim », c'est-à-dire les trois semaines de deuil entre le 17 Tammouz et le 9 Av.

C'est pour nous apprendre, enseigne ce Maître cité par le Rav Issakhar Dov Rubin, que toutes les pérégrinations qu'a connues le Peuple dans le désert avaient un seul et même but : entrer en Eretz Yisrael.

De même, nous devons savoir et garder à l'esprit que toutes les vicissitudes et les épreuves de notre long exil sont orientées vers un seul objectif : nous purifier et nous rendre méritants pour être les témoins, bientôt et de nos jours, de la Guéoula finale.

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