CHAPITRE QUATRE

Sous son noble déguisement, le penchant au mal détruit l'homme et la Torah

(Prof. B.Gross : Le non-sens de la Pureté absolue)

Avertissement : le texte en romain correspond à la traduction du texte du Nefesh ha'Haïm. [Le texte en italiques et en rouge, placé entre crochets est issu des notes du Professeur Benyamin Gross, du Rav Avinoam Fraenkel, ou, en l'absence de précision, de mes propres notes (ce n'est pas une manière de mettre mes notes au même niveau que les leurs, à D.ieu ne plaise, mais juste une commodité typographique).]

Chacun doit se montrer particulièrement vigilant sur ces questions [C'est-à-dire le jugement porté sur les motivations d'autrui].

Comme 'Hazal l'ont enseigné : « Celui qui est plus grand que son ami, son penchant au mal est également plus grand » (Souka 52a), car le yetzer s'attaque sournoisement à chacun selon ce qu'il est, et le niveau de son implication dans la Torah et le Service divin.

Ainsi, s'il [le yetzer] voit que, du fait du niveau élevé atteint par une personne, elle ne consentira pas à se mettre en mouvement [mot à mot : à quitter son lieu, c'est à dire à s'éloigner de la ligne de conduite, aussi conforme à la Torah que possible qu'elle s'est fixée] pour commettre une transgression, grave ou mineure, volontaire ou involontaire,

il se déguise alors pour apparaître sous les traits de l'Inclination au bien (יצר טוב), pour aveugler son intelligence et injecter un poison,
et se servir des dispositions mêmes [c.à d. des minhagim, des 'houmrot même auxquels il a l'habitude de se conformer] et du niveau auxquels la personne s'attache
pour le faire dévier en lui présentant une voie qui semble être à première vue le conseil de l'Inclination au bien, et l'encourage à atteindre un niveau supérieur. [ici s'insère la note 49 ajoutée par R.'Haïm qu'on trouvera à la fin du chapitre]
et il se présente avec des « signes de pureté » [סימני טהרה - Expression métonymique qui désigne les signes par lesquels on distingue un animal pur d'un animal impur, par extension, ce qui permet de faire la différence entre le bien et le mal...]
et la personne tombe dans ses filets « comme l'oiseau qui se précipite dans le piège » (Michlei 7 :23), sans y penser davantage, « sans savoir qu'il y va de sa vie » et « ses pieds le mènent à la mort » (Michlei 5:5) D. nous en préserve.

Par conséquent, tu dois être extrêmement attentif, afin que le mauvais penchant ne te conduise pas à penser que l'objectif principal de ton existence, jour après jour, est uniquement de travailler à purifier tes pensées ;

Que tes pensées devraient s'attacher à ton Créateur constamment et sans fléchir ;
Que rien ne devrait te détourner, à aucun moment, de la pureté de tes pensées ;
Que toute chose devrait être leshem Shamaïm (pour le Nom du Ciel).

Quand il te dit que l'objet essentiel de l'étude de la Torah et de l'accomplissement des Mitswot serait uniquement d'agir avec une ferveur extrême et un attachement (deveqût) authentique

Et que tant que son cœur ne les accomplirait pas avec toute la sainteté et la pureté de pensée [nécessaires]

Alors, ce ne serait absolument pas considéré comme l'accomplissement d'une Mitzwah ou le Service de D.ieu... !

Comme l'a enseigné « ce vieux roi devenu fou » [Kohelet 4:13 - Rashi ad loc. explique que ce verset fait allusion au mauvais penchant, qui l'accompagne depuis sa naissance, tandis que l'Inclination au bien ne se manifeste qu'au moment de sa Bar/bat mitswa. C'est pourquoi on l'appelle 'vieux'] afin de l'aveugler, en apportant toutes sortes de preuves de l'Écriture, de la Mishna, du Talmud, des Midrashim et du Zohar, par exemple l'idée que « D.ieu demande la concentration du cœur » (Sanh. 106b) et bien d'autres exemples et preuves de ce genre.

Mais si tu t'appliques à examiner les choses du point de vue [authentique] de la Torah, tu verras et tu comprendras que l'objectif principal du penchant au mal est :

De montrer à l'homme qu'il « présente les signes de pureté »

[C'est une allusion au porc, le seul animal non casher qui a le sabot fendu, mais ne rumine pas (alors que les autres animaux non casher n'ont pas le sabot fendu). Le porc est donc le seul animal dont le caractère non casher est extérieurement invisible. Le Midrash enseigne qu'il se met sur le ventre, exhibe ses sabots en disant : « Regardez-moi ! Je suis casher ». L'analogie avec celui qui simule la piété est évidente - v. Midrash Tehilim 80:6 - note de A.Fraenkel]

Et que sa voie est celle de la Sainteté, alors que « ses pas le mènent à la mort » D. nous en préserve.

Maintenant, examine et sois bien conscient de ses manières d'agir :

Le penchant au mal a l'intelligence de faire passer une mauvaise action pour une bonne.

Aujourd'hui, il te donne à penser que l'étude de la Torah et l'accomplissement des mitzwoth sans l'attachement [à D.ieu] sont sans valeur.
Par conséquent, tu dois préparer ton cœur, et élever le niveau de ta pensée avant d'accomplir quelque Mitzwah ou prière que ce soit, pour atteindre le plus haut degré de pureté !
Au point que, entièrement adonné à la préparation de la Mitzwah, tu laisses passer le moment prescrit pour son accomplissement !
Il te persuade alors que la prière ou la Mitzwah accomplie avec une immense ferveur, dans la sainteté et la pureté, même si ce n'est pas au temps prescrit, est plus précieuse que l'accomplissement ponctuel, mais sans la ferveur voulue !
Voilà que le penchant au mal t'a mis en tête qu'il n'est pas vraiment nécessaire de se préoccuper du moment prescrit pour l'accomplissement de la Mitzwah ou de la prière.
Initialement c'était dans le souci de purifier ton cœur et ta pensée, mais le temps faisant son œuvre, et sans même qu'on le remarque, il te conduira avec de belles paroles, à considérer progressivement que manquer d'accomplir la Mitzwah au temps prescrit est une chose permise.
Finalement, tu en arriveras [D. préserve] à laisser la paresse et les vaines pensées envahir ton cœur, à t'égarer loin de tout, au point qu'il ne te restera ni l'accomplissement de la Mitzwah en temps voulu, ni les pensées adéquates [associées à la Mitzwah] !

Un tel processus mènera finalement à la destruction de toute Torah, que le Miséricordieux nous protège, si nous permettons [au mauvais penchant], D. préserve, d'égarer l'oreille avec sa langue habile.

Prenons un exemple :

Si quelqu'un se concentre totalement sur les pensées adéquates au moment d'absorber un kazayit [environ 30 g, quantité requise pour s'acquitter de la mitswah] de matza le soir du Seder, sur la pureté, la sainteté et l'attachement avec lesquels elle doit être mangée, au point que cette préparation s'étend toute la nuit, jusqu'à l'aube, alors toute cette « pureté de pensée » sera « rejetée - elle ne sera pas acceptée » (וְאִם הֵאָכֹל יֵאָכֵל, בַּיּוֹם הַשְּׁלִישִׁי פִּגּוּל הוּא, לֹא יֵרָצֶה.;Lev. 19:7, sur l'offrande dite "rémunératoire")
En revanche, celui qui mange un kazayit de matza au moment voulu, même sans la sainteté et la pureté supplémentaires, celui-là a accompli la Mitzwah positive, telle qu'elle est inscrite dans la Torah, et il en reçoit la bénédiction.

Bien d'autres exemples montrent que si l'on néglige se concentrer sur le fait d'accomplir les Mitzwoth au temps prescrit :

Quelle différence y a-t-il entre celui qui sonne du shofar avec une formidable ferveur le soir du Seder au lieu de manger un kazayit de matza, et celui qui mange un kazayit de matza à Rosh haShana, et jeûne la veille de Kippour, et prend le Loulav à Yom Kippour au lieu de s'affliger.

Où est la place de la Torah [dans les cas - extrêmes - évoqués ici] ?

Et même si [le penchant au mal] ne parvient pas à te faire trébucher en laissant passer le temps prescrit pour l'accomplissement de la Mitzwah,

Il t'incitera tout de même à raffiner et purifier ton cœur, de telle manière que tu manques finalement de temps pour accomplir la Mitzwah comme il convient d'après la Loi, avec tous ses détails, en étant attentif à ne transgresser aucune des règles (dinim) enseignées par les Maîtres du Talmud.

Ne te laisse pas tromper par le penchant au mal,

Car un fort engagement dans la purification de la pensée ne saurait permettre la négligence dans les détails de l'accomplissement de la Mitzwah.

Tu dois savoir qu'alors que ton cœur se laisse entraîner vers le point de vue du mauvais penchant, à savoir que l'essentiel de la Torah est qu'on ne « doit ni voir ni trouver » [Référence à la Mishna Pessahim 3:3, où il est question de la présence du 'Hametz dans la maison] étude de Torah ou accomplissement de Mitzwah qui ne soient purifiés de toute trace ou résidu, tels la fleur de farine.

En réalité, le mauvais penchant est en train de te corrompre et de t'aveugler pour que tu ne veilles plus à l'accomplissement scrupuleux des détails de la Loi, pour que tu les transgresses, D. préserve, et pour que tu cesses d'y être attentif.

Note de Rabbi 'Haïm (Note 49) : Le penchant au bien à droite, le penchant au mal... de gauche à droite !

Peut-être 'Hazal voulaient-ils faire allusion à cela lorsqu'ils ont dit : « Le penchant au mal est comme une mouche qui vole entre les deux portes du cœur » (Berakhot 61a).

On sait que l'inclination au bien réside dans le ventricule droit du cœur, tandis que la résidence du mauvais penchant est le ventricule gauche, comme il est écrit (Kohelet 10:2) : « לֵב חָכָם לִימִינוֹ, וְלֵב כְּסִיל לִשְׂמֹאלוֹ». (Le sage a le cœur à droite, le cœur du sot est à gauche.)

'Hazal enseignent en effet que l'inclination au bien reconnaît toujours sa place et y demeure constamment, c'est à dire qu'elle ne conseille l'homme que pour le bien et la vérité.

Mais le mauvais penchant, quand il s'agit de pousser l'homme à fauter, ne reste pas à la place qui lui a été assignée dans le ventricule gauche. Parfois, il jaillit de sa place vers le ventricule droit, où il prend l'aspect de l'inclination au bien, comme pour l'inciter à s'élever en sainteté. L'homme ne voit pas toujours que le mal et l'amertume sont cachées [derrière ce déguisement].

Mis en ligne le 12 juillet 2016 - 6 Tammouz 5776