DEVARIM 5777
Un rejet lourd de conséquences
אַחַד עָשָׂר יוֹם מֵחֹרֵב, דֶּרֶךְ הַר-שֵׂעִיר, עַד, קָדֵשׁ בַּרְנֵעַ.
« Onze jours depuis le 'Horev, par le chemin du mont Séir, jusqu'à Kadesh-Barnéa. » (Devarim, 1,2)
Le Beer Yossef explique que le mont 'Horev n'est autre que le har Sinaï lui-même. La Guémara (Shabbat 89b), nous apprend que cette montagne au statut exceptionnel porte cinq noms différents. Pourquoi ce nom de 'Horev ? Parce que, enseigne la suite de la Guémara, la 'hurva (la ruine) est descendue sur les Nations du monde au mont Sinaï. Mais nos Sages de mémoire bénie n'ont pas expliqué en quoi le don de la Torah à Israël a représenté une « ruine » pour les nations du monde.
J'ai entendu enseigner que cette 'hurva fait allusion à la ruine des deux Temples, infligée à Israël par les nations.
Mais le Beer Yossef se dirige dans une toute autre voie.
On peut trouver des indices du sens que les 'Hakhamim donnent au mot 'hurva, enseigne-t-il, en examinant ce qu'ils considèrent comme particulièrement destructeur.
Un bon exemple est la conversation entre Avram et Saraï, dans la Parasha לך לך :
וַתֹּאמֶר שָׂרַי אֶל-אַבְרָם, הִנֵּה-נָא עֲצָרַנִי יְהוָה מִלֶּדֶת--בֹּא-נָא אֶל-שִׁפְחָתִי, אוּלַי אִבָּנֶה מִמֶּנָּה
Le Rabbinat traduit : « Saraï dit à Avram: "Hélas! Hashem m'a refusé l'enfantement; approche-toi donc de mon esclave : peut-être, par elle, aurai-je un enfant." » (Bereshit 16,2).
Mais la traduction : « j'aurai un enfant par elle » s'éloigne notablement du mot-à-mot. Il faudrait dire: je « serai construite » par elle (אִבָּנֶה מִמֶּנָּה).
Rashi cite le Midrash Rabba à ce sujet : « D'où nous apprenons que celui qui n'a pas d'enfant n'est pas « construit », [en ce que son nom ne sera pas perpétué], mais « détruit » (Beréchith raba 45, 2).»
Autrement dit, celui qui n'a pas construit, c'est à dire qui n'a pas engendré, vit dans un état de destruction ou de ruine.
La mitsvah de פְּרוּ וּרְבוּ (croissez et multipliez) a été donnée à l'humanité très tôt dans la Torah (Bereshit 1,28), bien avant Matane Torah. Or, le Talmud nous enseigne un principe général concernant les mitsvot qui apparaissent dans le 'Houmash avant qu'Israël ne reçoive la Torah : si une mitsva donnée avant la révélation au Sinaï n'est pas répétée par la suite, alors seuls les Juifs ont le devoir de l'accomplir ! Si au contraire elle figure à nouveau dans le texte après le récit de Matane Torah, alors il incombe aux Juifs comme aux bnei Noa'h d'accomplir ce commandement.
Or, la Torah ne répète pas la mitsva de פְּרוּ וּרְבוּ (croissez et multipliez) après l'événement du Sinaï. Le devoir de l'accomplir repose donc sur les seuls Bnei Yisrael !
Alors qu'avant le Sinaï, toute l'humanité avait reçu l'ordre de perpétuer l'espèce, ce n'est plus le cas après que la Torah a été donnée...
En d'autres termes, avoir une progéniture est devenu optionnel pour les non-juifs. Cette réalité enseignée par nos Sages est extrêmement lourde de conséquences. Cela signifie que Ha Qadosh Baroukh Hou, en quelque manière, est prêt à voir disparaître une population, ou un groupe humain quel qu'il soit. Il était désormais possible aux nations de traiter la procréation comme un choix, pour lequel elles pouvaient ou non montrer de l'intérêt. Hashem n'avait plus d'enjeu essentiel dans le cadre du fonctionnement de Sa création, si l'on peut dire, au maintien à l'existence de ces peuples. L'éventualité de la 'hurva (la ruine, la destruction) était descendue sur eux au Sinaï.
Le phénomène s'est largement vérifié dans l'histoire humaine, qui a vu disparaître par centaines des peuples, quel que soit le rôle, du plus glorieux au plus humble, qu'ils aient joué dans le destin de l'humanité...
Cette manière de voir permet d'expliquer pourquoi le Sinaï est nommé 'Horev dans notre verset. La Torah place le début du Sefer Devarim à l'époque qui suit les guerres contre Si'hon et 'Og. Ces batailles ont préfiguré la politique de destruction des sept nations qui occupaient alors la terre d'Israël, comme une conséquence de la nouvelle situation créée par la révélation au Sinaï : Hashem n'est plus concerné, si l'on peut dire, par le maintien à l'existence des autres nations. Elles pourront apparaître et disparaître, au gré du dessein divin et du zèle d'Israël.
Les pires disparaîtront à très court terme, lorsque les Hébreux les remplaceront au cours de la conquête d'Erets Yisrael.
Et la Torah donne ici une indication, qui devrait être une grande leçon pour nous, des raisons qui justifient un traitement aussi dur.
La Torah a été proposée à ces nations, et elles l'ont dédaignée. C'est ainsi qu'elles ont perdu leur place dans les projets de D.ieu, qui peut désormais se passer d'elles. Rejeter la Torah équivaut à signer son propre arrêt de mort.
L'acceptation de la Torah par Israël seul a compromis l'avenir des peuples qui l'ont rejetée. La ruine est descendue sur eux sur cette montagne, par leur propre choix.
Gardons nous de les imiter !
Librement inspiré de Rabbi Yits'haq Adlerstein - Torah.org
Mis en ligne le 29 Tammouz 5777 - 23 juillet 2017