SHOFTIM : LA VOCATION DES COHANIM

לא יִהְיֶה לַכֹּהֲנִים הַלְוִיִּם כָּל שֵׁבֶט לֵוִי, חֵלֶק וְנַחֲלָה עִם יִשְׂרָאֵל; אִשֵּׁי יְהוָה וְנַחֲלָתוֹ, יאכֵלוּן

"Il n'est accordé aux prêtres descendants de Lévi, à la tribu de Lévi en général ni part ni héritage comme au reste d'Israël : C'est des sacrifices de Hashem et de son patrimoine qu'ils subsisteront." (Devarim 18;1)

Ce verset ne peut manquer de nous étonner. Qu'enseigne-t-il que nous ne sachions déjà ?

Rashi, comme toujours, vient à notre secours. Citant le Sifri, il indique qu'il s'agit ici d'étendre l'autorisation faite aux Cohanim de consommer une part des Korbanot à ceux d'entre eux qui ne peuvent servir au Beth haMikdash, du fait d'un défaut physique (baaléi mumim).

Il reste cependant des questions.

D'abord, ce nouvel élément se trouve à la fin, lorsque le verset affirme le droit que les Cohanim ont sur les korbanot. Le début, au contraire, leur dénie le droit à une « part » ('heleq), c'est à dire le butin de la guerre, et à un « héritage » (na'hala), c'est-à-dire la terre.

Qu'y a-t-il de nouveau ici ?

On n'a certainement pas besoin d'un verset pour nous apprendre que les porteurs d'un défaut physique n'ont pas droit à une part de la terre. Comment pourrions-nous penser le contraire ?

Il n'y a aucune raison de supposer que la Torah refuse une part aux Cohanim ordinaires et l'accorde à ceux qui sont porteurs d'un défaut !

Indépendamment du sens du verset, pourquoi est-il formulé au pluriel, alors que le verset suivant (« pas d'héritage pour eux au milieu de leurs frères ») est au singulier ?

Il y a une règle importante sur l'emploi du singulier et du pluriel dans la Torah : quand la Torah parle d'un groupe entier, Elle utilise le singulier, comme si Elle parlait d'une seule personne. Lorsqu'il s'agit d'individus qui font partie d'un groupe plus nombreux, Elle se sert du pluriel. Comment cela s'applique-t-il ici ? Notre verset parle des Cohanim, qui ne sont qu'une partie de la tribu de Lévi. Le sujet du verset suivant est le groupe des Léviim, et la Torah revient au singulier.

Cette différence grammaticale éclaire d'autres aspects. Notre verset se réfère à 'heleq (part) et à na'hala (héritage). Il est vrai que le Cohen ne reçoit ni part du butin, ni héritage sur la terre. Mais le Lévi, qui n'a pas d'héritage, a droit à une part du butin. Le verset suivant omet scrupuleusement le terme 'heleq et ne mentionne que na'hala !

On peut aisément expliquer la différence. La vocation des Cohanim est de se consacrer à une vie d'amour de D.ieu, qui ne laisse place à aucun rival ! Les prêtres, qui doivent être l'exemple même d'une vie consacrée au service divin, ne peuvent partager les mêmes plaisirs matériels que les juifs « ordinaires ». Même les Cohanim qui ne peuvent accomplir le service, du fait d'un défaut physique, peuvent exceller dans l'amour de Hashem à travers leur part des Korbanot ! Les Léviim, de leur côté, n'ont pas pour mission de vivre de cette façon, et peuvent avoir part aux dépouilles de la guerre.

Les Talmidéi-'Hakhamim qui lisent cette ambitieuse publication objecteront sûrement qu'ailleurs (deut. 10,9), la Torah interdit au Lévi tant 'heleq (le butin) que na'hala (la terre), ce qui contredit complètement ce qu'on vient d'affirmer !

Il n'y a pas de contradiction... Ce verset parle d'un nouvel ordre de Léviim, un groupe qui a pris sur lui de s'adonner à l'étude intensive de la Torah, et qui, de ce fait même, est soumis aux mêmes restrictions que les Cohanim. Eux aussi doivent renoncer à de nombreux plaisirs terrestres, et se consacrer exclusivement à l'amour de Hashem !

Voilà de quoi relire notre verset... En réalité, il parle de plusieurs sous-groupes parmi les Cohanim.

Il commence par les « Cohanim haLéviim ». Il s'agit de ceux qui se sont spécialisés dans la fonction des Talmidéi-'Hakhamim. On comprend que de telles personnes doivent s'abstenir d'une grande partie de ce que le monde peut offrir. La Torah nous dit qu'il ne convient pas qu'ils aient part au butin ou à la terre.

Ensuite, la Torah élargit le cercle, et y inclut « toute la tribu de Lévi ». Autrement dit, même les Cohanim qui ne se consacrent pas à cette mission sainte. Ils ne sont pas même des Léviim, puisqu'ils ne sont pas des Talmidéi-'Hakhamim. Pour autant, ceux-là non plus ne doivent recevoir ni 'heleq ni na'hala, même s'ils ne peuvent pas effectuer le service au Beth haMikdash.

C'est à leur sujet que le Prophète Hoshéa a écrit : « Tu as dédaigné, toi, l'intelligence [Radak commente : en refusant le rôle d'enseigner la Torah à Israël, comme on l'attendait de toi] Mon dédain ne te permettra pas de demeurer Mon pontife ». (Hoshea 4:6)

En tant que Cohanim, même s'ils ne pouvaient servir au Beth haMikdash, ils auraient du se préoccuper de devenir des Talmidéi-'Hakhamim ! Pas de récompense pour eux : ils n'auront ni na'halah, ni même 'heleq !

Finalement la Torah complète le tableau en ajoutant, par la drasha du Sifri sur le mot kol (shevet Lévi), qui enseigne que les baaléi mumim, eux non plus, n'ont ni 'heleq ni na'hala, bien qu'ils ne puissent pas servir au Beth haMikdash, sans qu'une faute leur soit imputée. La fin du verset en donne la raison : puisqu'ils ont part aux Korbanot, ils peuvent également se concentrer sur l'amour de D.ieu, comme les autres Cohanim. Eux non plus ne doivent pas être distraits par la poursuite des plaisirs matériels.

Le pshat (le sens simple) de l'expression kol shevet Lévi (toute la tribu de Lévi) fait référence à tous les Léviim qui ne sont pas des Cohanim. C'est d'eux que parle le verset suivant. La Torah écrit qu'ils n'auront « pas d'héritage parmi leurs frères », et indique par là même qu'ils reçoivent 'heleq, une part du butin de la guerre.

Se dispenser des jouissances matérielles permises n'est pas nécessaire pour les Juifs ordinaires, y compris pour le Lévi ordinaire, même s'il tient un rôle dans le service des Cohanim...

Adapté du Rav Yitz'hak Adlerstein sur le Meshekh 'Hokhma - Torah.org

© 2016 Worlds Collide. Tous droits réservés.
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer