WAYESHEV 5778
Vers la Paix...
וְיִשְׂרָאֵל, אָהַב אֶת-יוֹסֵף מִכָּל-בָּנָיו--כִּי-בֶן-זְקֻנִים הוּא, לוֹ; וְעָשָׂה לוֹ, כְּתֹנֶת פַּסִּים. ד וַיִּרְאוּ אֶחָיו, כִּי-אֹתוֹ אָהַב אֲבִיהֶם מִכָּל-אֶחָיו--וַיִּשְׂנְאוּ, אֹתוֹ; וְלֹא יָכְלוּ, דַּבְּרוֹ לְשָׁלֹם
« Et Yisrael aimait Yossef plus que tous ses fils, car il était pour lui le fils de sa vieillesse, et il lui fit une tunique rayée. Ses frères virent que leur père l'aimait plus que tous ses frères, et ils le haïrent. Et ils ne purent lui parler en paix. » Bereshit 37,3-4.
« Le récit qui commence ici a suscité l'admiration de toutes les générations. La valeur pédagogique qui s'en dégage est incomparable. Il traite des pensées les plus profondes sous une forme si simple et si directe qu'elles sont accessibles à chaque enfant. Son caractère unique résulte du fait qu'il est dominé par la certitude de la Providence divine omniprésente et dont les fins se réalisent au milieu des jeux enchevêtrés des intérêts humains. »
Parmi bien d'autres questions qui illustrent cette merveilleuse affirmation du Rav Munk ZL, on peut se demander pourquoi un Tsaddiq comme Ya'aqov Avinou, qui avait fait l'expérience si douloureuse de la rivalité mortelle qui peut opposer deux frères, n'a pas pris toutes les précautions utiles pour éviter de susciter la moindre jalousie entre ses fils.
Et d'autre part, comment les frères, tous des tsaddiqim de très haut niveau, ont-ils pu se laisser aller à un tel ressentiment, au sujet d'une simple tunique ?
Pour le Sforno, une robe de ce genre était l'insigne de la dignité du chef (ce que semblent confirmer les fresques égyptiennes de Béni Hassan, qui montrent des princes sémites revêtus de vêtements multicolores - voir l'illustration en tête de cette page).
Ya'aqov connaissait le rôle dirigeant dévolu à Yossef, ainsi que le rôle que les enfants de Ra'hel devaient jouer dans la rédemption finale du Peuple juif, ce à quoi la Torah fait discrètement allusion, en faisant usage du nom « Yisrael ». Il aurait ainsi voulu marquer aux yeux de tous ce qu'impliquait sa vision prophétique.
Le 'Hatham Sofer propose une autre réponse : La Guémara (Shabbat 145b) explique qu'à Babylone, ceux qui se consacraient à l'étude de la Torah portaient des vêtements élégants, parce qu'ils n'étaient pas de véritables Talmidéi 'Hakhamim (érudits de la Torah). Pour Rashi, la Guémara veut dire qu'on reconnaît un Talmid 'Hakham authentique à la sagesse qui émane de lui, tandis que celui qui ne l'est pas encore cherche à obtenir cette reconnaissance par des aspects extérieurs, comme de beaux vêtements.
Yossef n'était pas seulement « le fils de sa vieillesse ». Il n'était pas favorisé par caprice, D.ieu nous en préserve. Ya'aqov percevait surtout la destinée non seulement exceptionnelle, mais aussi décisive pour l'avenir du projet d'Israël qui serait celle de son fils. Et il lui révéla les secrets les plus profonds de la Torah. Ceux qu'il avait appris de son grand-père Avraham, de son père Yits'haq, et de ses années d'étude à la Yeshiva de Shem et 'Ever.
Il craignait cependant que ses frères, auxquels il ne transmettait pas la Torah dans la même mesure, n'en nourrissent du ressentiment vis-à-vis de Yossef.
Il lui a donc fait cette superbe tunique, en espérant que ses fils comprendraient son geste comme une indication qu'il était comme ceux qui, à Babylone « se consacraient à l'étude de la Torah », mais n'étaient pas pour autant de véritables Talmidei 'Hakhamim.
En donnant la tunique à Yossef, l'intention de Ya'aqov n'était certes pas de provoquer leur jalousie, mais au contraire de l'écarter !
Mais les frères ont compris la manœuvre. Il y ont senti la faveur particulière dont Yossef faisait l'objet.
Ce qu'ils ne comprenaient pas, c'est l'ambition apparemment démesurée et orgueilleuse dont leur frère avait fait preuve en rapportant ses rêves de domination. Il s'inquiétèrent dès lors du mauvais usage que Yossef pourrait faire des secrets de la Torah, compromettant la mission d'Israël dont ils se savaient investis.
Ils cherchèrent dés lors à l'en exclure !
Traduite littéralement, l'expression utilisée pour « parler en paix » (דַּבְּרוֹ לְשָׁלֹם ) signifie parler « vers » la paix. Par ces mots, indique le Gaon de Vilna, la Torah nous fait percevoir la mesure de la haine des frères.
La Guémara (Berakhot 64a) enseigne qu'en prenant congé de quelqu'un, on ne doit pas dire «Lekh beShalom» (va 'en' paix), mais « lekh leShalom », va 'vers' la paix. C'est ainsi que Yithro a pris congé de Moshé Rabbénou : « וַיֹּאמֶר יִתְרוֹ לְמֹשֶׁה, לֵךְ לְשָׁלוֹם - Va vers la paix » (Shemot 4,18) ; Et Moshé a remarquablement prospéré dans ce qu'il a entrepris !
Mais quand Dawid haMelekh a souhaité à son fils Avshalom : « Va 'en' paix », celui-ci a trouvé une mort terrible, pendu par les cheveux et transpercé d'une lance.
Apparemment, l'expression « aller vers la paix » est une bénédiction efficace.
Les frères de Yossef, cependant, ne parvenaient pas à le bénir dans ces termes. Leur haine était si intense qu'ils ne pouvaient lui parler « vers la paix »
Puissions-nous extirper toute haine de nos cœurs, puissions-nous toujours parler à nos frères « vers » la paix, en sorte que Hashem nous envoie Son Mashia'h, bimehra veyaménou !Entrez votre texte ici...
Mis en ligne le 16 Kislev 5778 - 4 décembre 2017