TAZRIA METSORA 5778

Par un beau matin de printemps...

וְצִוָּה, הַכֹּהֵן, וְלָקַח לַמִּטַּהֵר שְׁתֵּי-צִפֳּרִים חַיּוֹת, טְהֹרוֹת; וְעֵץ אֶרֶז, וּשְׁנִי תוֹלַעַת וְאֵזֹב

Le Cohen ordonnera, il prendra, pour celui qui se purifie, deux oiseaux vivants purs, et du bois de cèdre et de l'écarlate d'un ver et de l'hysope.

Wayiqra 14,4

Les Juifs ont reçu le commandement d'être "une Nation sainte".

Redoutable exigence, pour laquelle la Torah a fourni des protections, destinées à nous garder de la faute. Une de ces protections est la "tsaarat".

Au temps du Beth haMiqdash (qu'il soit reconstruit bientôt et de nos jours !), une personne qui prononçait des paroles négatives, particulièrement à l'encontre de son prochain, contractait une affection cutanée, désignée de manière approximative dans les traductions de la Torah par "lèpre". Cette affection, qui n'existe plus de nos jours, avait pour effet de faire entrer l'individu qui en souffrait, le "metsorah", dans un état de "toumah" (d'impureté). Cet état l'obligeait à un retrait de la vie sociale ordinaire du Peuple. Tout ce qui entrait en contact avec lui devenait "tamé" (impur). Il devait quitter le camp d'Israël, et en rester séparé jusqu'à l'accomplissement d'une procédure de purification.

Cette procédure complexe comprenait trois étapes, et commençait au moment ou le Cohen observait la lésion et en affirmait la guérison. Le Cohen devait alors prendre deux oiseaux vivants purs, du bois de cèdre, de l'hysope (la branche d'un très petit arbuste), et les lier avec "une languette de laine teinte en écarlate" (Rashi), et tremper le tout dans le sang du premier oiseau.

Rashi, citant Arakhin 16b, explique en quoi chacun de ces éléments constitue une réparation, une "kappara" pour les fautes ainsi expiées. Le bois de cèdre : "parce que les affections sont engendrées par l'orgueil". L'écarlate d'un ver et l'hysope : "Quel est le moyen de sa guérison ? Qu'il s'abaisse de son orgueil comme un ver et comme l'hysope". Les oiseaux : "Étant donné que les affections sont engendrées par la médisance, qui constitue la conséquence du bavardage, la Torah a imposé pour sa purification des oiseaux qui passent leur temps à caqueter en babillant."

Ce dernier Rashi n'est pas facile à comprendre. Comment le babillage des oiseaux entre-t-il dans ce tableau ? Écoutez chanter les oiseaux, par un beau matin de printemps... Vous aurez l'impression d'un flux sonore continu. Aucune pensée n'y est associée. Des messages, peut-être, destinés aux femelles, ou aux rivaux, mais rien de vraiment comparable au langage humain, dans sa complexité !

La parole humaine n'est pas un assemblage de sons. Elle est le moyen que D.ieu a donné à l'homme pour exprimer ses pensées les plus profondes. Chaque mot peut porter en lui une infinité de concepts et d'idées. Seul l'être humain est capable, par seulement quelques mots, de suggérer un monde de significations.

En quoi ce puissant potentiel, qui fait de l'homme un Nefesh ha'Haïm, c'est-à-dire, selon Rashi, un être de langage, une "âme parlante", peut-il être comparé au babillage des oiseaux ?


Pour répondre à cette question, enseigne le Rav Ben Tzion Shafier, il faut comprendre comment le langage négatif en vient à sortir de la bouche de l'homme.

Le 'Hafetz 'Haïm enseigne qu'un des interdits que transgresse l'homme qui prononce des paroles négatives, c'est la profanation du Nom divin (« 'Hilloul Hashem »).

L'homme qui éprouve un puissant désir de transgresser un interdit, et succombe finalement, D.ieu nous en préserve, commet une faute grave, évidemment, mais il a une circonstance atténuante : il a mené une bataille, et il a été vaincu.

Il n'en va pas du tout de même du lashone har'a. Il n'y a pas de pulsion, pas de force instinctive qui nous induise à parler d'autrui de manière désobligeante. Voilà pourquoi une personne qui prononce de telles paroles profane le Nom divin : elle commet cette faute sans qu'un puissant désir l'y pousse. C'est pourquoi on considère qu'elle montre du mépris pour le Commandement divin.

On apprend ici que dans la plupart des cas, le Lashone har'a n'est pas une parole volontairement malveillante. En réalité, fort heureusement, il est rare qu'on révèle intentionnellement de grands secrets, dans l'intention explicite de nuire à la réputation d'un Juif ou à ses affaires, D.ieu nous en préserve.

C'est plutôt au décours de la conversation qu'on va demander : « Es-tu au courant ? Je ne sais pas si tu sais mais... »

Le plus souvent, ce sont des bêtises. Sans y prêter vraiment attention, et sans réfléchir aux conséquences de nos paroles. Comme si le son qui sort de la bouche emplissait l'espace, à la manière du gazouillis des oiseaux, un beau matin de printemps...

En ce sens, l'oiseau est bien la réparation parfaite. Puisque le Lashone har'a provient de ce babillage, la Torah demande au metzorah d'amener un oiseau à titre d'expiation.

Habituellement, il est rare que nous en venions, par méchanceté ou désir de vengeance, à parler négativement d'autrui. Dans la plupart des cas, nous nous laissons aller au lashone har'a par oubli de nous-mêmes, comme si nous étions des oiseaux babillant, par un beau matin de printemps...

Pour éviter cette transgression si courante, et les dégâts considérables qu'elle occasionne, pour prendre l'habitude de réfléchir avant de parler, il n'existe pas beaucoup de solutions, sinon d'étudier chaque jour, comme le recommande le 'Hafets 'Haïm, les lois de « Chmirat haLashone ».

Mis en ligne le 2 Iyar 5778 (17è jour du Omer) - 17 avril 2018

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