BO 5778
Invitation à la rencontre
«וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר. ב הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים: רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה.
Hashem parla à Moshé et à Aharon dans le pays de Mitsraïm en ces termes : Que ce renouvellement de lune soit pour vous le commencement des nouvelles lunes ; qu'il soit pour vous le premier des mois de l'année »
Shemot 12,1-2
«אֵלֶּה מוֹעֲדֵי יְהוָה, מִקְרָאֵי קֹדֶשׁ, אֲשֶׁר-תִּקְרְאוּ אֹתָם, בְּמוֹעֲדָם
Voici les temps de vos rencontres (מוֹעֲדֵי ) avec Hashem, convocations saintes, que vous célébrerez en leur saison. »
Wayiqra 23,4
La première mission de Moshé et Aharon, d'après le Rav Shimshon Raphaël Hirsch ZL, est de permettre la réalisation des « Otot oumoftim » (les signes et les prodiges) qui auraient du montrer à Pharaon la puissance divine, et le ramener sur le chemin du devoir de la créature face à son Créateur. Au lieu de quoi, le roi s'enfonce dans l'orgueil et la folie, dans la répétition obstinée et perverse.
Seuls l'effroi et la peur peuvent désormais le faire fléchir.
Leur seconde mission concerne à présent les Bnei Israël.
Et il s'agit précisément de prévenir toute tentation de s'abandonner à la folie qui a perdu l'Égypte, et conduira bien des peuples après elle à une irrémédiable ruine.
Quelle est la première pierre de l'édifice moral que le peuple doit construire ? Un signe (Ot), qui reviendra régulièrement, et invitera au renouveau « hors des ténèbres de la folie [...] préservant à jamais Israël de l'engourdissement spirituel et moral des Égyptiens. »
Notre verset contient deux mitsvot, les toutes premières données au 'Am Israël : déterminer le commencement des mois par l'apparition de la nouvelle lune d'une part ; faire débuter la série des mois de l'année en Nissan, le mois de la délivrance.
Comment la fixation du calendrier peut-elle servir de rempart contre la perversité morale, voilà une question à laquelle la plupart de nos contemporains seraient sûrement bien en peine de répondre !
Le Rav Hirsch apporte une admirable réponse.
Il tient d'abord à en finir avec l'idée que les Hébreux n'auraient pas eu de connaissances astronomiques suffisantes du cycle lunaire, connaissances qu'ils auraient ensuite acquises des Grecs. C'est ce qui les aurait obligés à recourir à la grossière approximation de l'observation humaine.
En réalité, le système de la Torah exige la capacité de calculer la révolution lunaire (ce qui permettait de vérifier les déclarations des témoins - RH 23,24,25).
On lit dans Shmuel 1 (20,5) : « וַיֹּאמֶר דָּוִד אֶל-יְהוֹנָתָן, הִנֵּה-חֹדֶשׁ מָחָר, וְאָנֹכִי יָשֹׁב-אֵשֵׁב עִם-הַמֶּלֶךְ - David répondit à Jonathan : 'C'est demain la néoménie (Hiné 'Hodesh ma'har), et je dois être assis à table près du roi.' ». On voit que David sait parfaitement que le lendemain est Rosh 'Hodesh. Un peu plus loin (ibid. v.27), on apprend qu'on célébrait parfois, comme de nos jours, un second jour de Rosh 'Hodesh.
En fait, le sens de la sanctification des débuts de mois dépasse la régulation astronomique, et le système planétaire n'est que la base de la méthode, autrement complexe, de fixation des mois et des fêtes, qui suppose l'intervention humaine.
Le Rav Hirsch relève quelques aspects de cette procédure qui la font échapper à toute «exaltation du système astral» mais « relèvent du plan divin d'éducation sociale et humaine » : la décision doit être prise de jour ; l'exigence de deux témoins (comme en matière criminelle) ou encore le cas extraordinaire (examiné en Guittin 25b) où la nouvelle lune ayant été observée par tous le trentième jour, et le Beth din n'ayant pas eu le temps de prononcer la sanctification, c'est pourtant le trente et unième jour qui devient le Rosh 'Hodesh !
Si
l'on est tant soit peu familier de la trame, du rythme de l'existence juive, on
comprend sans peine l'enjeu immédiat de la fixation du calendrier.
Il est indispensable de connaître la date des fêtes et des jeûnes
qui conditionnent tant d'aspects du Service divin auquel le Peuple
juif est voué.
Mais il y a une autre dimension, celle du Mo'ed,
qui vient de la racine וֹעֲדֵ (yud 'ayin daleth : décider une réunion) et
qui signifie le lieu - ou le temps - qui a été fixé pour tenir
une assemblée. «Les Mo'adim sont les dates convenues pour
notre rencontre avec D.ieu. Considérée du point de vue purement
humain, cette rencontre doit être, de part et d'autre, libre
de toute contrainte. Ce n'est
pas la Maître qui mande Ses serviteurs, mais c'est D.ieu qui
souhaite que Son peuple vienne Le rencontrer »
C'est pourquoi Il fixe une périodicité approximative, et S'en remet à Son peuple et à ses représentants pour fixer la date exacte, qui devient le résultat d'une « concertation » !
Ainsi, nous ne dépendons ni de la nature, ni du mouvement astral, connu par calcul ou observation, mais nous nous fions au dialogue avec Celui qui a créé des astres auxquels nous ne vouons aucun culte !
Ce n'est pas à la conjonction du soleil et de la lune que la néoménie est vouée. « Au contraire, au moyen de ces retrouvailles [...], de son nouvel éclairage par les rayons solaires, Hashem veut nous signifier qu'Il désire que Son peuple vienne Le retrouver et s'expose à nouveau à Sa lumière, quel que soit le niveau d'obscurcissement auquel il avait succombé. »
On comprend dès lors que l'intervention humaine, fixant la date de la rencontre, constitue l'éveil d'en-bas qui amènera, par un « éveil d'en-haut » un épanchement de lumière divine sur la Création et les créatures.
« Les retrouvailles du soleil et de la lune représentent un modèle nous exhortant aux retrouvailles avec D.ieu. Le renouvellement de la lune est un modèle qui fournit l'occasion de notre propre renouvellement. »
C'est ainsi que l'on peut comprendre le surgissement inattendu de ces mitsvot fondamentales, alors que le peuple n'est pas encore sorti d'Égypte, alors même que les plaies n'ont pas fini de frapper le pays.
Ces plaies, enseigne la Torah, ces signes éclatants qui n'ont pas ouvert les yeux des Égyptiens, vous ne les reverrez pas.
Je vous donne un signe pour toutes vos générations, qui vous aidera, à chaque révolution lunaire, à vous renouveler, à sortir, si vous le voulez, de la répétition mortifère qui éloigne l'homme de son Créateur, et à percevoir la lumière nouvelle qui illumine la Création !
'Hodesh tov mevorakh !
Mis en ligne le Rosh 'Hodesh Chevat 5778 - 17 janvier 2018
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