NOA'H 5777
Modernité de Bavel
וַיְהִי כָל-הָאָרֶץ, שָׂפָה אֶחָת, וּדְבָרִים, אֲחָדִים
« Toute la terre avait une même langue et des paroles semblables » (Gen. 11,1)
Quelle fut exactement la faute de la génération de la tour de Bavel ?
Fut-ce d'abord la sottise, ainsi que l'enseigne le Midrash, commentant le verset « Même si tu broyais le sot avec le pilon, comme on fait des graines, sa sottise ne se détacherait pas de lui » (Prov. 27,22) ? Ils ne tirèrent aucune conclusion du déluge qui venait de détruire l'humanité, et 340 ans plus tard, se rebellèrent contre leur Créateur...
Tous les midrashim, qu'on n'a pas la place de développer ici, évoquent des idées voisines.
Il semble que Nimrod ait voulu rassembler tous ses contemporains dans un seul pays, et investir l'énergie collective dans la « recherche scientifique », pour découvrir et apprendre à maîtriser les forces de la nature, qui avaient été à l'œuvre au cours du déluge.
Ils pensèrent aussi que ce rassemblement, cette « collectivisation » des ressources les mettrait à l'abri de la misère, et de la guerre.
En quoi cela était-il une faute ?
En effet, cela n'aurait pas été une faute en soi, s'ils n'avaient eu pour projet de s'affranchir de la Royauté divine. Mais « ces hommes pensèrent que la possession des secrets de la nature les rendrait indépendants de la Providence divine », enseigne le Rav Munk. « L'union de toutes les races et de toutes les classes de la société devait leur procurer la liberté vis-à-vis d'un D.ieu tout-puissant ».
Il s'agit ni plus ni moins que d'unifier le discours de l'humanité, contre D.ieu !
La sanction, dans ces conditions, est bien en rapport direct avec la faute : D.ieu a simplement perturbé l'unicité de leur langage. Il ne les a pas détruits. Il a seulement empêché leur langue, et donc leur pensée de rester unique.
Et nos modernes, depuis l'époque de la « renaissance », et celle des prétendues « lumières », ont-ils fait autre chose que la génération de Bavel ?
L'extraordinaire progrès de la connaissance scientifique des trois ou quatre derniers siècles aurait du rapprocher l'humanité de D.ieu, en permettant la contemplation des merveilles de la Création. Il a servi au contraire, dans la pensée occidentale, à Le chasser du monde (si l'on peut dire) !
Et l'humanité n'a cessé de chercher l'unification ultime, par la criminelle utopie communiste, ou sous la botte aryenne, ou par la libéralisation du commerce mondial et l'imposition d'un modèle de pensée unique.
Le projet de Bavel est toujours à l'œuvre.
Et il trouve contre lui, toujours, le Peuple juif proclamant chaque jour sa soumission à la Royauté divine, et affirmant dans le même mouvement son éminente liberté de penser !
« Toute la terre avait une même langue et des paroles semblables. »
Regardons, attentivement, comment notre Torah éternelle nous fait saisir en quelque mots une réalité toujours contemporaine !
Mis en ligne le 6 'Heshvan 5777 (5 novembre 2016)