WAYIGASH 5777
Les Voies de la Providence : la trame de l'histoire
וְכִלְכַּלְתִּי אֹתְךָ שָׁם, כִּי-עוֹד חָמֵשׁ שָׁנִים רָעָב: פֶּן-תִּוָּרֵשׁ אַתָּה וּבֵיתְךָ, וְכָל-אֲשֶׁר-לָךְ
« Je t'y nourrirai, car il y a encore cinq années de famine, de peur que tu ne tombes dans la misère, toi et ta maison et tout ce qui est à toi. » (Ber. 45,11)
Yossef avait déjà expliqué que la famine ne faisait que commencer. En outre, la Torah raconte au long de plusieurs versets la tentative de Yossef pour soulager le cœur de ses frères du poids de la honte et de la culpabilité. Il leur a montré tout le bien qui a finalement résulté de sa vente. Il est allé jusqu'à leur dire que les conséquences en furent si profondes qu'ils devaient se considérer comme de purs instruments de la Volonté divine.
Après ces arguments, pourquoi Yossef a-t-il besoin de répéter ce qu'il leur a déjà dit ?
Le Rav Shimshon Rafael Hirsch, dans son merveilleux commentaire du Sefer Béreshit, enseigne que Yossef a saisi cette occasion pour montrer ce que sont les voies de la Providence divine. Son histoire illustre, comme aucune autre, comment la Volonté de Hashem s'accomplit dans Son monde. Des événements, de petits faits qui semblent sans relation entre eux s'assemblent pour produire ce qu'Il veut faire advenir. La plupart du temps, l'homme est incapable de voir comment les fils de l'histoire qui se déroule sous ses yeux ont été tissés. Revenant sur les événements des décennies précédentes, Yossef montre l'entrecroisement de tant d'événements qui ont abouti au résultat attendu, la protection et la subsistance de la famille de Ya'aqov, à l'aube de son avènement : « pour que tu ne tombes pas dans la misère... »
La Torah veut faire de cet épisode une leçon de choses sur la manière dont la Volonté de D.ieu est à l'œuvre dans l'histoire.
« Le Tout-Puissant crée tout ; Il utilise les sots et les pécheurs » (Mishlei 26,10, d'après Rashi et Ibn Ezra).
Pour mener à bien leurs projets, les hommes s'appuient sur les meilleurs outils et les ouvriers les plus compétents. Hashem ne connaît pas ce genre de contraintes ! Il se sert des assistants les plus improbables : les sots et même ceux qui méprisent Sa Loi ! Voyez comme Il manipule Pharaon, Bil'am, Haman...
Comme nos Maîtres l'ont enseigné, par le biais de deux mesures de soie, les terribles prophéties du Brit ben habetarim ont été accomplies. À partir d'un petit ornement que Ya'aqov a ajouté au vêtement de Yossef, la chaîne des événements a mené à la réduction en esclavage du Peuple hébreu. Sur le moment, les événements de la vie de Yossef semblèrent absurdes et tragiques. Ils ne révélèrent que plus tard leur contribution essentielle au rôle qu'il devait jouer.
Il en va de même à une plus large échelle de la famille de Ya'aqov, du petit groupe de départ à la grande Nation qui sortira sous la conduite de Moshé.
Cette chaîne, en vérité ne s'arrête pas là. Elle se poursuit jusqu'à nos jours.
Rester en Kenaan n'aurait pas été possible. Si les tribus y avaient grandi, elles se seraient inévitablement dispersées et certainement mélangées. La gestation du Peuple de D.ieu exigeait une vie indemne de toute influence étrangère. La Providence les envoya donc en Égypte, où les étrangers sont rejetés et mis à l'écart. Les descendants de Ya'aqov purent ainsi développer une identité spirituelle et nationale puissante et séparée.
À l'époque médiévale, nous avons connu la même expérience pendant des siècles. L'intolérance fanatique de cette époque nous confina dans des ghettos. Ce n'était pas très agréable, mais avec le recul, cette situation imposée nous a permis de développer intensément l'étude de la Torah et de puissants liens familiaux à l'écart d'un environnement culturel grossier, qui n'avait presque rien à nous apporter.
Enfin, il faut observer avec lucidité que, dans l'aventure de Yossef, la souffrance et la peine vinrent de la jalousie et de la haine sans fondement. Là encore, les événements préparèrent l'histoire ultérieure : le second Beth haMikdash fut détruit pour les mêmes motifs. En Égypte, nos ancêtres apprirent à dure école qu'ils ne pourraient survivre sans cultiver les midot de fraternité et d'amour d'Israël.
Puissions-nous les cultiver nous aussi, et en finir avec ce long exil !
D'après Rav Itshak Adlerstein - Torah.org
Mis en ligne le 12 Tevet 5777 - 9 janvier 2017