4ÈME PORTIQUE - CHAPITRE DEUX
Il ne faut pas confondre « Lishmah » et « Devêqut »
Leylou Nishmat Rabbi Yossef 'Haïm ben Sim'ha Sitruk, ZL, qui a été notre Maître à tous et dont on vient d'apprendre le décès avec une immense tristesse.
Baroukh Dayan haEmet
[Pour introduire ce chapitre, il paraît nécessaire de faire un effort pour comprendre la notion de דבקות (Devêqut).
C'est une notion essentielle dans les mouvements qui se rattachent à la 'Hassidout. Toutes les traductions sont insuffisantes. La racine דבק connote l'attachement (Deveq signifie colle en hébreu moderne, et dévequt est traduit par dévotion ou l'anglais dedication, effort pour se consacrer à l'accomplissement d'un but).
Mais le terme a acquis une telle richesse sémantique au cours des millénaires de l'histoire juive, qu'on ne pourra ici que l'effleurer...
Le Prof Gross traduit le terme par communion, et le Rav Fraenkel, d'une manière assez audacieuse, par inspirational fervor.
Dans la suite de ce cours, on renoncera purement et simplement à traduire, et on conservera le terme hébreu, dont le sens général, très résumé, est celui d'un effort de l'homme pour se rapprocher de D.ieu et s'unir à Lui dans la mesure du possible, notamment, dans la 'Hassidout et les mouvements inspirés par la Kabbale du Ari haKadosh, par la prière, et des exercices d'ascèse ou de méditation.]
Reprenons le texte du Nefesh ha'Haïm :
Il est clair en vérité que le concept « d'étude désintéressée de la Torah » (עסק התורה לשׁמה) n'est pas identifié à la dévêqut, comme beaucoup le croient aujourd'hui.
C'est ce qu'affirme le Midrash Tehilim : David a voulu que Hashem considère ceux qui récitent les Tehilim au même rang que ceux qui connaissent les lois de Négaïm et Aholot (ou Qinin et Pit'hei nidda) (et en reçoivent la même récompense) [lois qui sont décrites dans 'Hagiga 14a et Pessa'him 50a comme particulièrement complexes]
On apprend de ce que David a demandé [à Hashem], que l'étude approfondie et l'effort soutenu pour comprendre les lois complexes du Talmud, est plus important et l'objet d'un amour plus grand de la part de HaKadosh Baroukh hou que la récitation des Tehilim !
Et si on affirmait que לשׁמה (lishmah) signifie "avec dévequt", et que c'est là la seule exigence de toute la question de l'étude de la Torah, alors, sans aucun doute, rien ne peut inspirer la dévequt autant que la récitation des Psaumes de David !
Plus que cela, nous ne savons pas si D.ieu a effectivement répondu favorablement à la demande de David haMelekh, ainsi qu'on l'apprend dans Baba Batra 17a, où il est question d'une prière de David à laquelle il n'est pas sûr que D.ieu ait favorablement répondu [Sa demande portait sur le fait que son corps ne pourrisse pas. Il y a divergence entre Nos Maîtres de mémoire bénie sur le point de savoir s'il a mérité ou non d'être exaucé]
Plus encore, si la déveqût était l'objectif, alors il suffirait de consacrer une vie entière d'étude à un seul traité, un seul chapitre [voire] une seule Mishna ! On ne trouve aucune source dans 'Hazal qui confirmerait une telle conception !
C'est ce qu'on a enseigné à propos de Rabban Yo'hanan Ben Zakkaï (dans TB Soucca 28a) : pas un instant il ne s'est détourné de l'étude de la Torah, Mishna, Halakhot, Aggadot etc. car il estimait certainement que tout ce qu'il avait étudié auparavant ne l'avait pas rendu quitte de son obligation d'étudier la Torah lishmah. Il accroissait donc son savoir à tout instant (Mishlei 1,5).
Autre Midrash [moussar très dur, âmes sensibles [ne pas] s'abstenir] sur Mishléi :
« Rabbi Yishmaël a dit : viens et vois comme le jour du Jugement est dur, car dans l'avenir D.ieu jugera le monde entier. Celui qui a [l'étude] de l'Écriture [La Torah écrite : 'Houmash, Prophètes, Hagiographes] dans sa main mais pas la Mishna se présentera et D.ieu détournera Sa Face et la souffrance du Guéhinom sera accrue, et [les préposés] le prendront et le traîneront et le jetteront dans le Guéhinom. Celui qui a dans sa main [l'étude] de deux ou trois traités se présentera et D.ieu lui dira : Mon fils, pourquoi n'as-tu pas étudié les halakhot ?... Et celui qui a étudié les halakhot se présentera et D.ieu lui dira : Mon fils, pourquoi n'as-tu pas étudié les lois des Cohanim ? Et celui qui a étudié les lois des Cohanim se présentera et D.ieu lui dira : Mon fils, pourquoi n'as-tu pas étudié les cinq livres de la Torah dans lesquels se trouvent les détails du Shém'a, des Tefillin et des Mézouzot ? Et celui qui a dans sa main les cinq livres de la Torah, D.ieu lui dira : Mon fils, pourquoi n'as-tu pas étudié la Aggada ? Et celui qui a étudié la Aggada se présentera et D.ieu lui dira : Mon fils, pourquoi n'as-tu pas étudié le Talmud ? Et celui qui a dans sa main le Talmud se présentera et D.ieu lui dira : Mon fils, puisque tu as étudié le Talmud, as-tu regardé la Merkava, pour voir comment Mon Trône est agencé, et comment se tient le 'Hashmal, et de combien de manières ils se transforme à chaque heure ?"
Q'on se reporte à cet enseignement...
Il est également logique que, lorsqu'une personne se consacre à l'étude des détails nombreux et complexes des halakhot du Talmud, elle doit concentrer ses facultés intellectuelles sur leur application pratique.
Il en est ainsi des lois sur les offrandes d'oiseaux, et des lois de Nidda qui « représentent le corps de la Loi », ou bien du principe de « migo », et il est pratiquement impossible de se concentrer sur ces complexités, et de parvenir au même moment à un état de dévêqut digne de ce nom (הדבקות בּשׁלמות כּראוי).
Mis en ligne le 24 Elloul 5776 (27 septembre 2016)