YITHRO 5777
Rencontre au Sinaï... mais de loin !
וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, הִנֵּה אָנֹכִי בָּא אֵלֶיךָ בְּעַב הֶעָנָן, בַּעֲבוּר יִשְׁמַע הָעָם בְּדַבְּרִי עִמָּךְ, וְגַם-בְּךָ יַאֲמִינוּ לְעוֹלָם; וַיַּגֵּד מֹשֶׁה אֶת-דִּבְרֵי הָעָם, אֶל-יְהוָה. י וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה לֵךְ אֶל-הָעָם, וְקִדַּשְׁתָּם הַיּוֹם וּמָחָר; וְכִבְּסוּ, שִׂמְלֹתָם. יא וְהָיוּ נְכֹנִים, לַיּוֹם הַשְּׁלִישִׁי: כִּי בַּיּוֹם הַשְּׁלִשִׁי, יֵרֵד יְהוָה לְעֵינֵי כָל-הָעָם--עַל-הַר סִינָי. יב וְהִגְבַּלְתָּ אֶת-הָעָם סָבִיב לֵאמֹר, הִשָּׁמְרוּ לָכֶם עֲלוֹת בָּהָר וּנְגֹעַ בְּקָצֵהוּ: כָּל-הַנֹּגֵעַ בָּהָר, מוֹת יוּמָת.
« Hashem dit à Moïse: "Voici, moi-même Je t'apparaîtrai au plus épais du nuage, afin que le peuple entende que c'est Moi Qui te parle et qu'en toi aussi ils aient foi constamment." Alors Moïse redit à Hashem les paroles du peuple. Et Hashem dit à Moïse: "Rends-toi près du peuple, enjoins-leur de se tenir purs aujourd'hui et demain et de laver leurs vêtements, afin d'être prêts pour le troisième jour; car, le troisième jour, Hashem descendra, à la vue du peuple entier, sur le mont Sinaï. Tu maintiendras le peuple tout autour, en disant: 'Gardez-vous de gravir cette montagne et même d'en toucher le pied, quiconque toucherait à la montagne mourir, il mourrait.' » (Shemot 19:9,13)
Ce dialogue étonnant contient plus qu'un simple échange d'information.
Cela ressemble un peu à une parade nuptiale, où l'un souhaite s'approcher, tandis que l'autre le tient prudemment à distance. Dans cette asymétrie, enseigne le Rav Shimshon Raphaël Hirsch ZL, se cache une différence essentielle entre la Torah d'Israël et les croyances des nations.
Dans le verset précédent, Moshé a déjà rapporté à Hashem la réponse enthousiaste du Peuple au don de la Torah. Les Bnei Yisrael ont accepté de prendre sur eux tout ce que Hashem leur ordonnerait. Pourquoi, demande le Rav Hirsch, Moshé a-t-il besoin de rapporter de nouveau leurs paroles à D.ieu ?
Hashem lui avait fait savoir que l'expérience de la Révélation serait à la limite du supportable. La Présence divine serait si intense, si directement perceptible, qu'elle devrait être enserrée dans une épaisse nuée. Il faudrait inévitablement faire diminuer cette intensité. Hashem voulait que ce moment ne soit comparable à aucun autre, en sorte qu'un monument de Emouna soit érigé, élevé et stable. Dès lors, et jusqu'à la fin des temps, le Peuple saurait que D.ieu peut parler avec l'homme, et qu'Il lui a parlé au Sinaï !
Moshé n'ajoute rien à ce qu'il avait déjà rapporté de l'acceptation du Peuple. Il dit plutôt : « Avons nous besoin d'en passer par une telle expérience, avec toutes les conséquences et les précautions qu'elle implique ? Ils sont parvenus au niveau spirituel que Tu voulais. Ils sont impatients d'accomplir Ta Torah. Laissons tomber le 'son et lumière', passons directement à la réception de la Torah !... »
La réponse de Hashem suggère en premier lieu qu'il ne suffira pas d'être prêts à recevoir la Torah, et que ce n'est pas là le sommet absolu de l'accomplissement spirituel. L'objectif de Matane Torah est de les élever à des niveaux incomparablement plus hauts. Une telle élévation devra être le résultat d'une vie inspirée par la Torah.
Ensuite, en mettant cette distance entre Lui et le Peuple, Hashem voulait mettre l'accent sur le fait que la Parole de D.ieu vient d'un lieu extérieur à l'homme. Il ne voulut pas leur parler du sein du Peuple, Il leur parla à distance.
Ce détail capital donne son caractère unique au Judaïsme parmi les autres croyances, qui toutes ont surgi du sein des peuples dans lesquels elles sont nées, comme une manière de s'accommoder d'une puissance transcendante.
La Torah, en revanche, n'est pas le produit de la quête de D.ieu par les humains, mais le message de D.ieu à l'homme. Elle seule constitue un système parfaitement objectif, sans influence des tendances conscientes ou non de ses adeptes !
Et puisqu'Elle est objective, puisqu'Elle vient d'une Voix divine, extérieure aux besoins et aux pulsions humains, la Torah peut servir de critère d'évaluation des changements dans la société. Puisqu'Elle vient d'une source extérieure, Elle n'est pas modifiée par l'usage qu'en fait l'humanité. Elle peut légitimement revendiquer son caractère éternel et immuable.
Toutes les autres religions, au contraire, doivent changer avec le temps.
Elles ont été fondées par des hommes qui vivaient dans des conditions historiques particulières, qui avaient des tendances et des préoccupations spécifiques, et dont la vision et l'intelligence étaient limitées par les contraintes de leur milieu culturel. Puisque ces facteurs changent avec le temps, les religions qui en sont tributaires doivent également changer.
La Torah (contrairement aux fantaisies de certains prétendus 'savants') n'est pas le produit d'une conjoncture historique particulière. Elle nous est venue par la voie de la Divinité Elle-même, Qui n'est liée à aucune circonstance humaine. Les vérités qu'Elle énonce prennent leur source dans Sa vérité, et non dans nos perceptions de la réalité.
Le récit décrit une Torah qui devait entrer dans les cœurs des hommes, et non surgir d'eux. Et ça n'alla pas sans mal. Il ne fut pas facile de les convaincre. Leur comportement montrait qu'ils étaient bien « un peuple à la nuque raide », peu enclin à céder devant l'autorité !
Le choix d'un tel peuple pour recevoir la Torah est la première indication que la Parole de D.ieu est venue à l'homme, et non de l'homme. La Torah a du vaincre leurs objections. Ce n'est pas une doctrine qu'ils trouvèrent en eux-mêmes, et se sentirent obligés de consigner par écrit à destination du reste du genre humain !
Plusieurs détails du texte confirment que c'est de loin qu'il fallut amener la Torah au Peuple.
La Torah souligne qu'Elle fut donnée par Hashem à Ses conditions plutôt qu'aux leurs.
En arrivant au lieu dit, le Peuple dut attendre trois jours, pendant lesquels il ne se passa rien. D.ieu leur demanda de se préparer, de se purifier eux-mêmes, et même les vêtements qu'ils portaient. L'immersion dans le mikveh fut synonyme de renaissance, comme pour affirmer que leur être actuel, quoique capable et armé de bonne volonté, ne pouvait accepter la Torah sans accepter de commencer une vie nouvelle.
Jusqu'à la position du Peuple, au pied de la montagne, qui exaltait la conscience que la Torah vient du lointain et de l'élevé, et non d'eux-mêmes. Le har Sinaï était entouré d'un cordon de sécurité, et ne devait être touché par homme ni bête sous peine de mort, comme s'il appartenait à un autre monde, un monde que seule la mort nous permet d'atteindre.
Tous ces détails montrent qu'une sorte d'interface fut ainsi créée entre deux univers distincts, pour que la Torah puisse s'épancher avec abondance dans l'intervalle, depuis sa source éternelle dans un monde qui, sans la bonté de Hashem, serait inaccessible à l'homme.
Adapté de Rabbi Yits'hak Adlerstein - Torah.org
Mis en ligne le 18 Shevat 5777 (14 février 2017)