'HOUQAT 5778

Le sens de la Mitswah, c'est l'ordre divin !

« זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר: דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ פָרָה אֲדֻמָּה תְּמִימָה אֲשֶׁר אֵין-בָּהּ מוּם, אֲשֶׁר לֹא-עָלָה עָלֶיהָ, עֹל - Ceci est le statut de la Torah ('houqa) qu'a prescrite Hashem, savoir : Avertis les enfants d'Israël de te choisir une vache rousse, intacte, sans aucun défaut, et qui n'ait pas encore porté le joug »

Bamidbar 19,1

Comme l'enseigne notre Parasha, la vache rousse, et plus précisément les cendres résultant de sa combustion, étaient partie intégrante d'un rituel de purification indispensable à l'époque du Mishqan, puis des deux Temples.

L'enjeu, que nous avons perdu de vue, était considérable : il s'agissait de permettre aux Cohanim et aux Léwiim d'accomplir leur service, et d'obtenir l'expiation pour tout le peuple ! Il s'agissait de permettre à tous les Juifs d'apporter leurs offrandes saintes, « בּמקום אשׁר יבחר - à l'endroit que choisira Hashem ton D.ieu »...

Ce qui était impossible, en état de toumah.

« Toumah »... Voilà une notion difficile à rendre en français. La traduction habituelle, « impureté » ne convient pas très bien. Il faudrait parler d'une opacité, d'un obscurcissement, d'une obstruction à la lumière. La toumah, si l'on peut dire, c'est un canal bouché...

À l'opposé, se trouve la Qédousha, la « sainteté », qui n'est rien d'autre qu'une sublime ouverture à la liberté.

Liberté vis-à-vis de la matérialité du corps, enfermé dans la contrainte de ses besoins, de ses désirs, de ses pulsions. La Qédousha, à laquelle chaque juif est appelé, c'est la possibilité de concilier l'inconciliable, le fini et l'infini, le Qadosh et le 'hol, le saint et le profane.

La lutte quotidienne pour sanctifier chaque instant de la vie, par l'accomplissement des mitsvot positives, par l'effort pour s'abstenir de transgresser les mitsvot négatives.

Et rien, bien sûr, n'est plus éloigné de ce combat pour la liberté que la dépouille mortelle, qui manifeste la négation de toute liberté, dans sa dramatique impuissance à lutter désormais pour combattre et soumettre les pulsions, dans le but sublime de s'en libérer.

C'est pourquoi la toumah, l'obscurcissement qui résulte du contact, même indirect, avec un corps sans vie est bien le niveau le plus puissant, le plus significatif, et, si l'on peut dire, le plus contagieux de cette opacité.

Ceux qui ont eu le mérite de prendre part aux derniers devoirs comprennent cette idée, peut-être un peu mieux que d'autres.

Comment le rituel indéchiffrable de la vache rousse peut-il parvenir à un tel résultat ?

Rashi, citant le Midrash Tan'houma, semble décourager toute tentative d'interprétation :

« Étant donné que le Sa-tan et les peuples du monde se sont moqués d'Israël en disant : 'Qu'est-ce que cette mitswa et quel en est le motif ?', le texte emploie ici le terme 'houqa (« statut »), destiné à marquer que 'C'est un décret émanant de Moi que tu n'as pas le droit de critiquer' »

Ce Midrash, et d'autres de la même tonalité n'ont pas empêché cet extraordinaire paradoxe : cette mitswa qui devait être considérée comme hors de portée de toute interprétation, a rempli de ses commentaires des bibliothèques entières !

Parmi tous les enseignements que j'ai entendus, voici une approche symbolique, inspirée par Émeric Deutsch, zl, qui parmi bien d'autres a peut-être sa place.

Le rouge de la vache, c'est l'énergie vitale, et puisqu'elle doit être « sans défaut », cette énergie doit être inentamée, brute...

La vache, c'est un instrument, peut-être dans l'antiquité le principal outil de production de richesses (le labour, le lait, la viande). Il faut que la vache rousse soit libre, qu'elle n'ait pas « porté le joug », il faut qu'elle représente la pulsion à l'état pur, sans contrôle !

Elle doit être abattue, et consumée par le feu, car c'est ainsi qu'il faut se débarrasser des tentations de céder à la dimension matérielle de l'existence humaine.

On y ajoute le cèdre, symbole de l'orgueil selon Rashi, et l'hysope, marque de l'humilité qui sera brûlée aussi parce qu'elle ne doit pas être excessive.

Et pour finir, l'ensemble sera mélangé à l'eau vive, symbole de la vie, de l'énergie vitale sans cesse renouvelée. Et l'eau domine le mélange : les autres éléments y sont dissous.

La vie prévaut !

Ces explications ne dissimulent pas leurs limites. Le problème est immense, et nous avons le devoir de l'étudier, aussi profondément que nos ressources le permettent.

Rashi, citant à nouveau le Midrash, propose un lien entre la Mitswah de la vache rousse et le 'Het ha'eguel (le veau d'or) : « Cela ressemble au fils d'une servante qui aura souillé le palais du roi. Vienne sa mère nettoyer les immondices ! De même, vienne une vache pour faire expier la faute du veau d'or ! »

Ce Midrash pose de nombreux problèmes, notamment du fait que nous savons que la loi de la vache rousse a été donnée avant la faute du veau !..

Mais le Beth haLévi suggère une explication différente.

La faute du veau venait d'une erreur qui reste extrêmement répandue jusqu'à nos jours. Celle qui consiste à croire que, par notre intelligence et notre science, nous pouvons construire un édifice intellectuel, moral, spirituel qui correspondrait à ce que D.ieu attend de nous. C'est pour cela qu'ils ont sollicité Aharon, dont ils pensaient, à juste titre, que sa vision dépassait la leur.

Mais ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas notre intelligence, si sophistiquée soit-elle, qui peut saisir le sens des Mitswot !

Vient la vache rousse, dont Rashi nous dit : « C'est un décret émanant de Moi que tu n'as pas le droit de critiquer » !

Le véritable sens de toute Mitswah, son véritable contenu sur quoi il ne peut y avoir d'erreur, c'est qu'il s'agit d'un ordre divin, dont les tenants et aboutissants nous resteront toujours inaccessibles !

Mis en ligne le 7 tammouz 5778 - 19 avril 2018

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