Note 10

Le Service « de toute ta force » est possible pour un individu, mais non pour le plus grand nombre.

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C'est ainsi qu'il est écrit dans le premier paragraphe du Shém'a [que l'on doit servir HaShem] « וּבְכָל-מְאֹדֶךָde toutes tes forces (1) », alors qu'au second paragraphe, il n'est pas écrit « de toutes tes forces »

C'est que le premier paragraphe du Shém'a est entièrement rédigé au singulier. [Par conséquent] une personne qui en est capable se doit d'accomplir littéralement le verset : « Et ce livre de la Torah ne quittera pas ta bouche. (2) »

Il est donc écrit [que le Service divin doit être accompli] « de toutes tes forces », ce qui signifie « avec toute ta richesse (3) », c'est-à-dire qu'on ne doit pas consacrer [son temps et ses ressources] à la recherche de la subsistance.

Néanmoins, le second paragraphe du Shém'a est rédigé au pluriel (4). C'est que la majorité des gens sont pratiquement obligés de s'impliquer un tant soit peu dans une activité lucrative de manière à pourvoir aux besoins essentiels de l'existence. C'est pour cela que le texte ne dit pas « de toutes vos forces » (au pluriel).

Bien que, pour Rabbi Shim'on bar Yoḥaï, ce ne soit pas la meilleure manière d'accomplir la Volonté de HaShem, il ne considère pas pour autant que, lorsqu'on se livre, aussi peu que ce soit, à une activité destinée à procurer la parnassa, cela s'appelle, D. préserve, « ne pas accomplir » du tout. En effet, alors même qu'il s'adonnent à une telle activité, les cœurs [de ces Juifs] se préoccupent de Sagesse, et leurs pensées sont des pensées de Torah et de crainte du Ciel.

Rabbi Ishmaël est d'une opinion différente. Il pense que cette approche révèle l'essentiel de la Volonté divine (5), et définit le Service que HaShem attend du plus grand nombre. C'est sur quoi porte leur controverse (6).


1 Dévarim – Deutéronome 6,5 (Ouvkhol Méodékha, de toutes tes forces, à la deuxième personne du singulier.)

2 Yéhoshou'a – Josué 1,8.

3 Selon Berakhot 54a.

4 C'est-à-dire que le texte s'adresse au plus grand nombre.







5 Il s'agit de savoir si l'étude et le service, accompagnés d'une activité professionnelle minimale correspondent à la manière dont Hashem veut que la masse des Juifs Le serve, comme le pense Rabbi Ishmaël. Ou bien s'agit-il là d'une manière d'agir acceptable et permise, mais éloignée du véritable idéal existentiel du Peuple choisi, comme le pense Rashbi ?

6 le Gaon de Vilna (qui fut le maître de Rabbi Ḥayim) explique, dans son commentaire de la Mishna Péa 1,1, que l'homme accomplit une Mitsva distincte pour chacun des mots de la Torah qu'il étudie, puisque, comme l'enseigne la Mishna, l'étude de la Torah correspond à toutes les autres mitswot, et même les surpasse (וְתַלְמוּד תּוֹרָה כְּנֶגֶד כֻּלָּם). Malgré cela, pour le Gaon, cette Mishna enseigne qu'il n'y a pas de limite inférieure ou supérieure au devoir d'étudier la Torah jour et nuit, puisqu'aussi bien, on peut s'en acquitter avec un seul mot ! Cependant, cet accomplissement minimum n'a de valeur que dans le cas où la personne a une obligation personnelle d'accomplir d'autres mitsvot, que personne d'autre que lui ne peut accomplir. Dans notre contexte, il est très intéressant d'observer que le Gaon enseigne explicitement que « travailler pour gagner sa subsistance est aussi une mitsvah » qui peut légitimement limiter l'obligation permanente d'étudier la Torah.

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