TEROUMA 5778
De la confiance et de la Vérité
דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה
« Parle aux enfants d'Israël, ils prendront pour Moi une offrande prélevée »
Shemot 25,2
וְעָשׂוּ לִי, מִקְדָּשׁ; וְשָׁכַנְתִּי, בְּתוֹכָם
« Ils feront pour moi un Miqdash, Je résiderai au milieu d'eux »
Shemot 25,8
Le Midrash Rabba demande quelle commission a reçu celui a négocié la transaction qui nous a conduits à accepter la Torah. Le visage (panim) de Moshé Rabbenou se mit à rayonner (Shemot 34,29), au point qu'il dut le voiler, répond le Midrash.
Que signifie cette brillance du visage ? Un tel rayonnement peut manifester une joie spirituelle profonde. Plus encore, le mot « panim » ayant le double sens de visage (apparence extérieure) et d'intériorité (essence), la « commission » accordée à Moshé témoigne de ce que nous avons acquis en recevant la Torah : l'accès à une dimension spirituelle supérieure, intérieure aussi bien qu'extérieure.
Le Midrash continue : Parfois, un objet est vendu et le vendeur lui-même est inclus comme objet de la vente. Dans ce cas, Hashem a dit au Bnei Israël : « Je vous ai transféré la propriété de Ma Torah. Je viens avec elle, comme une part de la transaction comme il est écrit 'Weyiq'hou li' (que le Midrash comprend : 'et ils M'acquerront'. »
Ce que dit ce Midrash, enseigne le Sfat Emeth, c'est que lorsque nous avons accepté la Torah, Hashem Lui-même a fait également partie de la transaction. Cette idée met en évidence un grave problème et une merveilleuse opportunité. Le problème, c'est qu'un Juif qui s'efforce d'accomplir la Torah et les Mitsvot peut facilement oublier que Hashem Lui-même est une part de la transaction. Il manque alors la relation personnelle qu'il devrait entretenir avec son Créateur. Inversement, l'opportunité consiste en un approfondissement de cette relation : Hashem nous a fait savoir qu'il est disponible, et qu'en acceptant la Torah, Il vient avec elle, comme un sublime couronnement. Ashrénou !
La Torah, poursuit le Sfat Emeth, nous est donnée à raison de la façon dont nous nous sommes préparés à la recevoir. Et malgré la crainte que nous inspire la majesté divine, la relation que nous avons avec Lui dépend entièrement de nous. Cette idée ne va certainement pas de soi. Pour vivre avec une telle réalité, il faut cultiver un puissant 'bita'hon' (confiance). Comme le dit le Psaume (37,3) : « Aie confiance en Hashem et fais le bien. » Rashi rattache ce verset à la Parnassa (Ne dis pas : « Si je ne vole pas et n'extorque pas, ou si je fais des dons aux pauvres, de quoi pourrai-je vivre ? ») Mais le Sfat Emeth cite le Zohar pour qui le principal domaine dans lequel s'exerce cette confiance, c'est l'Avodat Hashem ! Cela signifie que nous devons avoir confiance en cela que D.ieu nous aidera à Le servir.
Le Sfat Emeth semble ici se contredire : il nous enseigne en premier lieu que notre relation avec Hashem dépend entièrement de nous. À présent, il dit que c'est sur Hashem que nous devons compter, car c'est Lui qui nous aidera à Le servir comme il convient !
En vérité, à l'instar des Sages de toutes les générations, il ne craint pas les paradoxes et les contradictions apparentes. Il en propose immédiatement d'autres : Emeth (la vérité, ce qui est apparent et révélé de manière explicite), est associé à Emouna (la foi, ce que nous acceptons en confiance). Et encore : « Ils feront pour moi un Miqdash ». Le mot Miqdash vient de Qadosh, qui indique la séparation radicale entre D.ieu et l'homme. Et cependant, le verset continue ; « Et Je résiderai au milieu d'eux » !
En réalité, Emet et Emouna ne s'excluent pas mutuellement, et forment au contraire, en se combinant, une sorte de spirale ascendante. Une personne initie ce processus par la foi. Elle accepte que toute existence provient de D.ieu. Cette perspective se trouve renforcée par le Emet, lorsque la personne peut percevoir l'Omniprésence de Hashem. Plus grande est la foi, plus grande la perception de la Vérité. Reconnaissant D.ieu comme la source de toute existence, elle perçoit la Sainteté de la Création, et dans le même mouvement, elle fait à la Présence divine une plus grande place dans le monde : « Je résiderai au milieu d'eux » !
Il peut exister aussi, D.ieu nous en préserve, une interaction négative. Si une personne refuse a priori l'idée que Hashem est la source de toute existence, sa vision de la vie s'en trouvera obscurcie, son accès à la Vérité fermé (même s'il étudie la Torah, qui est Emeth par excellence, car il est vain d'étudier avec un tel a priori).
C'est une relation analogue, poursuit le Sfat Emeth, qui lie le Shabbat aux autres jours. Pendant la semaine, nous avons besoin de la Emouna. Et à raison de l'intensité de notre Emouna pendant les jours de la semaine, Hashem nous donne accès au Emeth le Shabbat ! La Emouna est au Emeth ce que les jours de la semaine sont au Shabbat...
Nous savons que le Shabbat est désigné comme « Me'en 'Olam haba », une ressemblance du monde à venir. Cela signifie que le Emet auquel nous avons accès le Shabbat est un avant-goût de la Vérité qui nous sera révélée, avec l'aide de D.ieu, dans le Monde à venir.
D'où l'importance capitale de l'étude de la Torah le Shabbat. Le Nefesh ha'Haïm écrit (4,21) : 'Hazal enseignent : Heureux l'homme qui a des paroles de Torah, qui s'assoit et lit, et révise d'une manière humble et tranquille.
Où cette personne doit-elle résider ? Avec D.ieu comme il est dit : « יֹשֵׁב, בְּסֵתֶר עֶלְיוֹן; בְּצֵל שַׁדַּי, יִתְלוֹנָן - Il demeure sous la sauvegarde du Très-Haut, et s'abrite à l'ombre du Tout-Puissant ».
De la même manière qu'ils se font uniques et solitaires dans ce monde-ci, ils séjournent seuls avec D.ieu [dans le monde futur].
Mis en ligne le 6 Adar 5778 - 21 février 2018