BAMIDBAR 5778
Éloge du travail des enfants !
פְּקֹד אֶת-בְּנֵי לֵוִי, לְבֵית אֲבֹתָם לְמִשְׁפְּחֹתָם: כָּל-זָכָר מִבֶּן-חֹדֶשׁ וָמַעְלָה, תִּפְקְדֵם
« Fais le dénombrement des enfants de Léwi, selon leur descendance paternelle, par familles ; tous les mâles, depuis l'âge d'un mois et au-delà, tu les dénombreras. »
Bamidbar 3,15
Rashi
explique : « Dès qu'il a cessé d'être considéré
comme un fœtus, il sera compté parmi ceux que l'on appelle « les
gardiens de la garde du sanctuaire » (verset 28). Rabbi Yehouda bar
Rabbi Chalom a enseigné : « On a l'habitude, dans cette tribu,
d'être compté dès la naissance, comme il est écrit : "qui a
été enfantée à Léwi en Égypte" (26, 59). Or, c'est à son
entrée en Égypte, à ses portes, qu'elle est née, et elle est
pourtant comptée d'emblée parmi les soixante-dix personnes [qui
sont arrivées en Égypte avec Ya'aqov]. »
Dans son Shoel hou Méshiv, Rabbi Joseph Saul Nathansohn (1808-1875) explique pourquoi l'âge auquel les Bnei Léwi doivent être dénombrés est différent de celui des autres bnei Yisrael.
Le Juif qui est âgé de vingt ans et plus est en effet appelé « Ish », un homme à part entière, pleinement responsable de lui-même, que l'on désigne par son nom personnel. Les Lévites se distinguent de ce point de vue, en ceci qu'ils sont d'abord identifiés, jusqu'à nos jours, en tant que « fils de Léwi ». Il est donc normal de les dénombrer dès le moment où ils ne sont plus «considéré[s] comme un fœtus» et donc halakhiquement viables.
Dans son merveilleux commentaire, le Rav Shimshon Raphaël Hirsch (cité par le Rav Adlerstein) propose un autre éclairage. Les Bnei Léwi, enseigne-t-il, devaient servir dans les lieux et les fonctions les plus saints : Les Cohanim pour l'accomplissement du service, les Léwiim comme porteurs du Mishqan, et plus tard en tant que gardiens du Beth haMiqdash (qu'il soit reconstruit bientôt et de nos jours !).
Puisqu'ils devaient consacrer l'essentiel de leur temps à ces saintes activités, ils n'était pas souhaitable qu'ils s'adonnent à une activité professionnelle à temps complet. La Torah ne leur accorde donc pas de part dans la terre, comme aux autres tribus, de sorte qu'ils n'aient pas à se soucier de faire fructifier leur bien. Et puisqu'ils ne peuvent subvenir par eux-mêmes à leurs besoins, on leur fournira de quoi vivre, par les prélèvements de la Teroumah et du Ma'asser.
Bien sûr, comme il y avait constamment plus de Léwiim que n'en exigeait le Service du Mishqan, la plupart disposaient de longues périodes de temps « libre ». C'est pourquoi nombre d'entre eux sont devenus des Talmidei 'Hakhamim de première force, qui diffusaient la connaissance de la Torah au sein du Peuple. Ils constituèrent ainsi un véritable « corps enseignant », disponible en tout temps pour l'instruction du Peuple juif.
Notre verset ordonne de compter les Léwiim depuis l'âge de un mois, c'est-à-dire du moment où ils sont halakhiquement viables. C'est surprenant puisque, comme on l'a souligné, les autres Bnei Yisrael ne sont pas comptés de cette manière ; d'autant plus étrange qu'un chapitre plus loin, la Torah donne l'ordre de compter les Léwiim à partir de l'âge de trente ans (infra 4,3) ! Si l'on considère que la tâche de certains d'entre eux était physiquement exigeante, trente ans semble raisonnable, et c'est bien l'âge où ils commençaient à assurer effectivement leur service.
L'âge d'un mois doit donc correspondre à un aspect différent de la vocation des Léwiim ; un aspect si important, si complexe qu'il exige d'en entreprendre l'apprentissage dès le berceau !
Les deux vocations des Léwiim, poursuit le Rav Hirsch, sont véritablement complémentaires.
Leur rôle au Beth haMiqdash, c'est d'être les gardiens du lieu qui abrite la manifestation physique de la Présence divine, les Tables de la Loi. L'Arche, avec l'abondant symbolisme qui l'entoure, rappelle au Juifs l'événement du Sinaï, qui les a transformés à jamais en serviteurs de Hashem et en gardiens de Sa Torah.
Mais plus importante encore que la tâche de conserver les symboles de la Torah est celle de préserver la Torah elle-même. C'est ce que font les Léwiim de la seule manière que nous ayons jamais connue de puis Matan Torah : en devenant des Talmidéi 'Hakhamim, et en faisant rayonner la Torah parmi le Peuple.
Cette fonction vitale ne saurait attendre l'âge de trente ans, ni de vingt, ni même de dix ! Pour l'accomplir de la meilleure manière, à l'échelle de la Nation toute entière, il faut rien de moins que de mettre les enfants au travail, par une éducation rigoureuse, et ce dès la plus tendre enfance, pour les préparer aux fonctions élevées qu'ils auront à remplir.
La Torah, continue le Rav Hirsch, nous informe sur une troisième fonction des Léwiim, qui solliciterait également les enfants. Les tâches effectuées par les Lewiim au Beit haMiqdash sont appelées mishmeret, une « garde » ou une charge. Une mishmeret peut être qualifiée dans la Torah de plusieurs manières. Par exemple mishmeret haMishqan, ou mishmeret Aharon haCohen, ou encore mishmeret kol ha'edah. Toutes ces expressions traduisent un aspect particulier des devoirs qu'on accomplit dans le Temple, au nom du Peuple juif.
Une de ces expressions, cependant, résonne différemment : mishmeret beShem Hashem. Il s'agit là d'une tâche qui n'est pas comparable aux autres. La Guémara (Arakhin 13b) y voit la mission confiée aux Léwiim d'accompagner de musique le service des qorbanot. C'est une fonction réellement accomplie « beShem Hashem », pour le Nom de Hashem, parce qu'ils y agissent davantage, si l'on peut dire, comme représentants de D.ieu que comme agents des Bnei Yisrael. Lorsqu'ils font entendre ces chants d'inspiration divine sont comme les émissaires de Hashem Lui-même, qui transmettent, par la musique, Son message à toute la Nation.
Les enfants peuvent certainement être associés à une telle mission, Elle ne commence sûrement pas à un mois, mais son accomplissement ne demande pas d'avoir trente ans !
Mis en ligne Rosh 'Hodesh Sivan - 14 mai 2018