WAYÉTSÉ 5778
La Maison de D.ieu
וַיִּירָא, וַיֹּאמַר, מַה-נּוֹרָא, הַמָּקוֹם הַזֶּה: אֵין זֶה, כִּי אִם-בֵּית אֱלֹהִים, וְזֶה, שַׁעַר הַשָּׁמָיִם.
וַיִּקְרָא אֶת-שֵׁם-הַמָּקוֹם הַהוּא, בֵּית-אֵל; וְאוּלָם לוּז שֵׁם-הָעִיר, לָרִאשֹׁנָה
« Il eut peur, il dit : « Que ce lieu [est] redoutable ! Ceci n'est autre que la maison de Éloqim, et ceci [la] porte des Cieux. » [...] Il appela le nom de cet endroit Beith-El. Et cependant Louz [était le] nom de la ville, à l'origine. »
Bereshit 28,17 et 19
Le Pshat (le sens simple) semble simplement désigner le lieu où Ya'aqov a rêvé peut-être le plus fameux des rêves de l'histoire humaine. À l'époque, ce n'est qu'un « מָּקוֹם - maqom », un lieu sans signes distinctifs, à proximité de la ville de Louz. Avec le temps, Louz s'est développée, pour s'étendre à la région de Beith-El, qui à son tour a donné son nom à la ville ainsi agrandie.
'Hazal (nos Sages de mémoire bénie), y voient le lieu où sera construit le Beit HaMiqdash, huit siècles plus tard (Ber. Rabba - cité par Rashi - et Sifri).
Ya'aqov a vu que l'échelle qui relie le Ciel et la terre est posée sur le mont Moriah. Il y de bonnes raisons à cela.
L'expression « אֵין זֶה, כִּי אִם-בֵּית אֱלֹהִים » - Ceci n'est rien d'autre que Beth Eloqim...) indique habituellement une restriction, une diminution de la valeur attendue. Ya'aqov pensait que ce lieu était d'une élévation inaccessible à la compréhension humaine. Mais à présent, il comprend qu'il n'est pas aussi saint qu'il le pensait. n
Mais une telle explication, enseigne le Netziv (Rabbi Tzvi Yéhouda Berlin - 1816-1893) , n'est pas conforme au sens du texte, parce qu'en réalité, c'est l'inverse : en disant ces mots, Ya'aqov montre qu'il réalise que ce « Maqom » est beaucoup plus grand qu'il ne l'imaginait ! Il avait vu ce « terrain vague », qui s'appellera Beit-El, comme un lieu dépourvu de signification particulière. Après l'expérience de son rêve prophétique, il comprend que le lieu où elle s'est produite est beaucoup plus important qu'il ne le pensait.
On pourrait aussi comprendre le verset comme une réaction de Ya'aqov à sa propre frayeur : « J'ai eu peur parce que je me suis trouvé dans la maison de D.ieu. » Mais si c'était le cas, le texte aurait du dire : « Ceci (c'est à dire ma frayeur) n'est rien d'autre que ce qui vient de la maison de D.ieu. »
Mais si nous lisons les versets en tenant compte du Midrash, la difficulté disparaît : Ya'aqov sait parfaitement que le Beit HaMiqdash est l'interface entre le Ciel et la terre. Il comprend que c'est à travers lui que la Providence divine s'épanche dans le monde entier. Il sait aussi qu'une telle émanation dépend des diverses modalités de la réponse spirituelle de l'homme.
Il est surpris de voir que dans son expérience personnelle, la Providence se manifeste sous la forme d'une maison. Pour ses Pères, les choses ne s'étaient pas présentées de cette façon. Pour Abraham, c'est une montagne qui a marqué sa proximité avec D.ieu, et l'assistance qu'il avait reçue dans ses guerres. Pour son père Yts'haq, c'est un champ qui symbolise le réceptacle de l'émanation, comme source de la nourriture et de la parnassa du Peuple de D.ieu.
Pour Ya'aqov, c'est une figure différente qui s'impose, celle de la maison, que la Providence va réellement fournir au Peuple juif, dans ses nombreuses pérégrinations parmi les nations.
La maison représente la voie de la paix. Plutôt que de se lancer dans des guerres pour le pouvoir et la domination, la dimension d'Israël est celle d'une coexistence pacifique, qui évite le combat, et permet à chaque partie de rentrer « à la maison » en paix, comme il est écrit : « 'Essaw reprit ce jour-là son chemin vers Sé'ir. Et Ya'aqov partit vers Soukoth, il s'y bâtit une maison » (Ber. 33,16-17)
Ya'aqov, poursuit le Netziv, a vu l'ouverture de cette Maison non comme une porte, mais comme un « sha'ar » (un portail).
Une porte est faite pour permettre à un individu dûment autorisé d'entrer. Un portail invite le grand nombre à le franchir. Les dons providentiels accordés à Avraham et Yits'haq restaient réservés à une élite sélectionnée. La victoire militaire est accordée par le mérite de ceux qui étudient la Torah. La parnassa dépend de notre service de D.ieu, par la prière en particulier.
Le présent fait à Ya'aqov, la bénédiction providentielle de la paix et de la tranquillité, est lié à sa caractéristique personnelle : l'accomplissement du 'hessed dans toutes ses dimensions. Le 'hessed est la seule des trois bénédictions liées à l'existence des Avot qui ouvre la voie au plus grand nombre. Tous les hommes, Juifs ou non, peuvent mériter la Berakha du Shalom, symbolisée par la maison, en accomplissant des actes de 'hessed.
Il est évident que les Juifs, héritiers de Ya'aqov, ont une disposition particulière dans ce domaine.
Et cette pratique méthodique du 'hessed, l'amour concret du prochain, et la recherche de la paix sont devenues une stratégie de survie dans l'exil, qui s'achèvera bientôt et de nos jours.
Alors, la dimension de ce maqom redoutable aperçue par Ya'aqov sera pleinement réalisée, et « כִּי בֵיתִי, בֵּית-תְּפִלָּה יִקָּרֵא לְכָל-הָעַמִּים - Ma Maison deviendra une maison de prière pour toutes les nations » (Yeshayiahou 56,7)
Librement adapté du Rav Itzhaq Adlerstein - Torah.org
Mis en ligne le 3 Kislev 5778 - 21 novembre 2017