CHAPITRE CINQ
L'action est cruciale
(comme l'ont montré les premier et second portiques)
(Pr. Gross : l'objectivation de l'intention : l'acte de la prière)
Avertissement : le texte en romain correspond à la traduction du texte du Nefesh ha'Haïm. [Le texte en italiques et en rouge, placé entre crochets est issu des notes du Professeur Benyamin Gross, du Rav Avinoam Fraenkel, ou, en l'absence de précision, de mes propres notes (ce n'est pas une manière de mettre mes notes au même niveau que les leurs, à D.ieu ne plaise, mais juste une commodité typographique).]
Il est clair que l'approche [dénoncée au chapitre quatre, c'est-à-dire l'attitude qui consiste à chercher à purifier son intention au point d'en oublier d'accomplir la mitswah en temps et en heure et de la manière prescrite par nos Sages] est « un feu dévorant jusqu'à la perdition [ruinant jusqu'à la racine toute ma récolte] » (Iyov 31:12) [Iyov fait ici allusion aux fautes qu'il aurait pu commettre, comme l'adultère] D. préserve, et détruit de nombreux principes de la Torah et des paroles de nos Maîtres de mémoire bénie.
Nous avons déjà indiqué plus haut, à la fin du premier portique,
- que l'essentiel de toute mitswah est l'action ;
- que la pureté de la pensée vient compléter l'acte de la mitswah ;
- mais que [l'absence d'une telle pureté de pensée] n'invalide pas la mitswah.
De la même manière :
Il est clair pour tout homme intelligent et הַיָּשָׁר הלֵך (« qui marche droit » - Mikha 2:7) que nous avons un principe quant aux sacrifices apportés au Temple : s'il sont offerts sans aucune intention particulière, ils sont considérés comme offerts avec l'intention spécifique qui leur correspond (Zeva'him 2b).
Nos maîtres affirment aussi clairement (Nazir 23a) que celui qui mangerait le Korban Pessa'h par pure gloutonnerie, bien qu'il n'accomplisse pas la mitswah de la meilleure manière, s'est néanmoins acquitté du devoir de manger le Korban Pessa'h !
Mais si, au moment de sacrifier et de manger le Korban Pessa'h, une personne est plongée dans de pures et profondes pensées au sujet du concept de Pessa'h, «וְהָאִישׁ אֲשֶׁר הוּא טָהוֹר וּבְדֶרֶךְ לֹא הָיָה, וְחָדַל לַעֲשׂוֹת הַפֶּסַח וְנִכְרְתָה הַנֶּפֶשׁ הַהִוא - [Et un homme qui est pur et il n'est pas sur la route] Il s'est abstenu de faire le Pessa'h, sera retranchée cette âme ».
Ce principe est également vrai pour l'accomplissement de toutes les mitswoth !
Et il ne s'applique pas seulement aux mistwoth dont la part essentielle est l'acte qu'il faut y accomplir, mais également à la mitswah de la prière, qui est appelée « service du cœur ».
C'est ce que 'Hazal ont appris du verset : « [Or, si vous êtes dociles aux lois que je vous impose en ce jour, aimant l'Éternel, votre Dieu,] le servant de tout votre cœur et de toute votre âme » [Ta'anit 2a, citant Devarim 11:13, début du second paragraphe du Shem'a - הָיָה, אִם שָׁמֹעַ תִּשְׁמְעוּ אֶל מִצְוֹתַי, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוֶּה אֶתְכֶם, הַיּוֹם לְאַהֲבָה אֶת יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם, וּלְעָבְדוֹ, בְּכָל לְבַבְכֶם, וּבְכָל נַפְשְׁכֶם]
[Un Rashi très intéressant sur ce verset de Devarim donne la source dans Daniel 6:17 de l'identification de la prière au service : « Un service qui est dans le cœur, à savoir la prière. La prière est en effet appelée « service », comme il est écrit : « Ton Eloqim que tu "sers" sans cesse... ». Or, existe-t-il un « service » en Babylonie {où se trouvait Daniel; la question sous-jacente étant celle-ci: en l'absence de Beth haMikdash, comment peut-on parler de 'Service'} ? C'est donc qu'il priait, comme il est écrit : « Ses fenêtres étaient ouvertes dans sa chambre vers Jérusalem et il priait trois fois par jour » (ibid. verset 11). De même est-il écrit pour David : « Puisse ma prière être déposée comme de l'encens devant toi » (Tehilim 141:2).]
Néanmoins, l'essentiel est ici que la personne fasse spécifiquement usage de ses lèvres pour articuler chacun des mots de la prière.
C'est ce que 'Hazal ont affirmé au sujet des versets qui concernent 'Hanna : « [Hanna parlait en elle-même;] on voyait seulement remuer ses lèvres, [mais on n'entendait pas sa voix. Héli la crut ivre] » et c'est de là qu'on apprend que celui qui prie doit articuler les mots avec ses lèvres [Berakhot 31a sur I Shmuel 1:13].
Un Midrash enseigne également : J'aurais pu penser qu'il peut se contenter de penser dans son cœur les mots de la prière. C'est pourquoi le verset vient nous enseigner que « seules ses lèvres remuaient ». Comment fait-on cela ? En murmurant avec ses lèvres. [Midrash Shmuel, 2:10]
Il est clair qu'il ne s'agit pas là d'une recommandation sur la meilleure manière d'accomplir la mitswah, mais que si, accidentellement, on s'abstient d'agir ainsi, et par exemple si on n'a fait que penser les mots de la prière dans son cœur, on n'est pas quitte de l'obligation de prier.
Dans un tel cas, si le moment de la prière n'est pas dépassé, on a le devoir de recommencer la prière en articulant chaque mot comme il convient. Si le moment de la prière est passé, il doublera la prière suivante, comme celui qui a complètement manqué la prière. C'est ainsi que tranche le Magen Avraham, et il apporte des preuves nombreuses et convaincantes qu'en priant par la seule pensée, on ne s'est pas acquitté de son devoir.
Mis en ligne le 20 Tammouz 5776 - 26 juillet 2016
On sait par le Zohar haKadosh et les écrits du Arizal, que tout le concept de la prière porte sur la réparation des mondes et l'élévation de leur véritable essence, c'est-à-dire tous les niveaux de Nefesh, Roua'h et Neshama au sein de ces mondes, des plus bas aux plus hauts niveaux.
Cela se produit par la connexion entre Nefesh et Roua'h, puis entre Roua'h et Neshama, comme on l'a expliqué, avec l'aide de D., à la fin du second portique.
[Les mondes] sont connectés par le mouvement des lèvres dans la prière, qui est le niveau de l'action dans la parole comme l'ont enseigné nos Maîtres de mémoire bénie (Sanhedrin 65a) : « le mouvement de ses lèvres est une action ». D'où savons-nous que la parole est comme l'action ? De ce qu'il est dit « בִּדְבַר יְהוָה, שָׁמַיִם נַעֲשׂוּ - Par la parole de Hashem les Cieux ont été faits » [Shabbat 119a sur Tehilim 33:6]. C'est le niveau de Nefesh dans la parole (Roua'h).
Le souffle et le son, qui sont la parole elle-même, sont le niveau de Roua'h en elle.
La concentration du cœur lorsqu'on prononce les paroles, c'est le niveau de Neshama de la parole.
Par conséquent, on ne peut pas s'acquitter de l'obligation de prier par la seule pensée, ou par la méditation dans son cœur des mots de la prière.
Comment, en effet, serait-il possible de se relier au niveau [le plus élevé] de Neshama, sans se conformer à la séquence qui lie [en premier lieu] le Nefesh de la parole, c'est-à-dire le mouvement des lèvres, au Roua'h de la parole qui est la respiration et le son, puis de les relier tous les deux à la Neshama, qui mobilise la pensée et la concentration du cœur ?
Si l'on se contente de prier par la seule pensée, la prière ne produit pas d'effet, et n'opère aucune réparation [dans les mondes supérieurs]
Alors que si l'on prie en articulant chacun des mots [mot à mot : « des lettres de la parole »] de la tefilla, même si l'on n'y a pas attaché sa pensée ni la concentration de son cœur, et bien que, certainement, là n'est pas le niveau souhaitable, et [sa prière] n'est pas capable de se hisser au niveau de la pensée, du monde de la Neshama, elle n'est pourtant pas vaine, D. préserve, et on s'est rendu quitte de son devoir !
Parce qu'au moins, son Nefesh s'est élevé, s'est relié à son Roua'h, et a relié le monde de Nefesh au monde de Roua'h.
C'est ce que dit le Zohar haKadosh :
« On doit prier par la pensée, par la volonté du cœur, par la voix, et par la parole des lèvres, pour relier et unifier complètement ce qui est en haut avec ce qui est en haut comme il convient [...] La pensée, la volonté, la voix et la parole sont les quatre éléments qui se lient ensemble, et une fois qu'ils se sont liés, ils forment un unique support sur lequel réside la Shékhina [...] »
[D'autre part, on apprend que bien que la prière dépende essentiellement des mots et de la parole prononcée], elle repose sur l'acte, et ensuite sur la parole de la bouche.
« Tout ce qu'une personne pense, tout ce qu'elle médite dans son cœur ne produit aucun effet tant que ses lèvres ne l'ont pas prononcé, et c'est pourquoi toute prière et toute supplication doit être articulée, parce que sinon, une prière n'est pas une prière, une supplication n'est pas une supplication !
Lorsque les mots sont prononcés, ils percent les airs, ils s'élèvent, et sont saisis par ceux qui les saisissent et les joignent à la sainte Couronne posée sur la tête du Roi »
On dit également que celui qui dit que l'action n'est pas exigée pour quoi que ce soit, ou qu'il n'est pas nécessaire de prononcer les mots est un ignorant, que D. nous prenne en pitié.
Et nos Maîtres de mémoire bénie n'ont exigé la concentration [kavana] que pour la bénédiction des Avot [la première bénédiction de la 'Amida, qui mentionne le mérite des Patriarches].
Mais celui qui veut prier, et dont le cœur est perturbé, ou qui est dans la peine, et ne peut pas louer son Créateur comme il conviendrait, que doit-il faire ? Dis-lui que, s'il ne peut pas concentrer son cœur et sa volonté, qu'il présente tout de même sa louange à son Créateur. Qu'il présente sa louange, même s'il ne peut pas se concentrer !
[Voilà ce qu'enseigne le Zohar haKadosh...]
Mis en ligne le 22 Tammouz 5776 - 28 juillet 2016