שׁער א׳ פּרק ח׳
Lé'ylou nishmat Aharon haCohen - Lé'ylou nishmatah Sultana bat Clara
Pour la libération de nos otages
Pour la protection de nos soldats qui affrontent les ennemis d'Israël
Pour la consolation de toutes les familles endeuillées
Pour la guérison complète des blessés, de nos malades, et de tous les malades en Israël
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1.8
Les actions de l'homme entraînent une réaction divine : l'exemple des Kérouvim
Ḥazal ont rapporté la controverse entre Rabbi Yoḥanan et Rabbi Él'azar au sujet des Kérouvim. L'un dit qu'« ils se faisaient face (1) » tandis que l'autre dit qu'« ils faisaient face à la Maison [c'est-à-dire le Temple] (2) » (3)
D'après celui qui dit qu'« ils se faisaient face », le verset qui dit qu'« ils faisaient face à la Maison » ne pose pas de problème, car ici [c'est-à-dire lorsqu'ils se faisaient face], c'est lorsque Israël accomplit la Volonté divine, et là [c'est-à-dire lorsqu'ils faisaient face à la Maison] le verset fait référence à une période où Israël n'accomplit pas la Volonté divine. Voir le Rashbam à ce sujet (4).
D'après celui qui dit qu'« ils faisaient face à la Maison », le verset qui dit qu'« ils se faisaient face » [enseigne que] que leur position formait un angle, tel qu'ils étaient en partie tournés vers la Maison et en partie face-à-face.
Voyez encore le Rashbam (5). La réponse qui fait référence plus haut à Israël accomplissant ou non la Volonté divine ne s'applique pas ici. Puisque les Kérouvim étaient conçus principalement pour faire face au Temple, il n'y avait pas lieu d'interpréter leur position comme un signe que Israël n'accomplissait pas la Volonté divine.
Tossefot écrivent également que les Kérouvim étaient initialement placés selon le fait qu'Israël accomplissait la Volonté divine (6).
Par conséquent, la question de savoir pourquoi les Kérouvim de Shelomo furent initialement placés selon un angle, et non face-à-face, semble se poser.
Voici ce qu'enseignent Ḥazal à ce sujet (7) : « Nos Maîtres ont enseigné : ''Et tu rassembleras ton grain'' [Si on rapproche ce verset de] ce qui est écrit [par ailleurs] : ''Et ce livre de la Torah ne quittera pas ta bouche (8)'' On aurait pu croire qu'il fallût interpréter littéralement ce verset, [c'est à dire qu'un homme devrait se consacrer entièrement à la Torah, sans se soucier d'aucune activité visant à assurer sa subsistance.]
C'est pourquoi [la Torah enseigne également] « Tu rassembleras ton grain » qui enseigne qu'il faut agir vis-à-vis d'elles [les paroles de la Torah] selon l'habitude du monde (דֶרֶךְ אֶרֶץ), [c'est à dire que l'homme doit s'efforcer d'étudier la Torah le plus possible, mais qu'il doit aussi consacrer un certain temps à la poursuite de sa subsistance.]
Paroles de Rabbi Yishmaël.
Vient Rabbi Shim'on Bar Yoḥaï : « Est-il possible qu'un homme laboure au temps des labours, sème au temps des semailles, récolte à l'heure de la récolte etc ?.. Qu'adviendra-t-il de la Torah ? Il faut dire plutôt que lorsque Israël accomplit la Volonté divine, leur travail est fait par d'autres. Et quand Israël n'accomplit pas la Volonté divine, ils devront faire le travail eux-mêmes, comme il est écrit : ''וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ'' ».
Comment Rashbi peut-il évoquer la négligence du service divin en relation avec «וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ », alors que la formule est précédée du verset : « Ce sera si observer, vous observez Mes mitswot que Je vous ordonne aujourd'hui d'aimer HaShem votre Éloqim... de Le servir de tout votre cœur et de toute votre âme (9) » [langage qui évoque explicitement le fait qu'Israël accomplit pleinement la Volonté divine,] et c'est à ce sujet, semble-t-il, que l'on dit : « וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ» ?
En fait, il faut dire que pour Rabbi Yishmaël, il est certain qu'un homme n'a pas le droit de séparer son esprit, ḥas veshalom, ne fût-ce qu'un instant, de l'étude de la Torah, pour s'absorber dans la recherche d'une subsistance, au point qu'il se détache complètement de la Torah, ḥas VeShalom.
Ce que Rabbi Yishmaël a voulu dire par ses saintes paroles en disant « qu'il faut agir vis-à-vis d'elles [les paroles de la Torah] selon l'habitude du monde (דֶרֶךְ אֶרֶץ) », c'est que lorsque l'homme s'engage dans la moindre quantité de travail nécessaire pour assurer sa subsistance, ses pensées doivent [néanmoins] rester centrées sur les paroles de la Torah !
C'est d'ailleurs ainsi que Rava exhorte ses élèves [dans la suite de la même sougya] à ne pas venir au Beth Midrash pendant les mois de Nissan et de Tishri (10). Cela ne signifie certainement pas qu'ils devaient rester oisifs, et laisser de côté l'étude au cours de ces jours [de labeur matériel.]
La Guémara conclut :
Nombreux ceux qui ont agi comme Rabbi Yishmaël, et ont réussi.
Nombreux ceux qui ont agi comme Rabbi Shimon bar Yoḥaï, et ont échoué.
Ce dernier enseignement signifie qu'en effet, pour la plupart des Juifs, il n'est pas possible de se consacrer entièrement et exclusivement à l'étude, comme cela serait souhaitable, et il existe une nécessité de se livrer, fût-ce en faible proportion, à une activité qui vise à l'obtention d'une parnassa.
Et c'est à ce sujet que 'Hazal ont enseigné : « Toute étude de la Torah qui n'est pas accompagnée d'un travail est vouée à la perte et entraîne la faute. » (11)
Néanmoins, il ne fait aucun doute que si un homme a les moyens matériels de se consacrer entièrement à l'étude de la Torah et au Service divin, il ne peut se séparer ne fût-ce qu'un instant de l'étude et du Service pour se livrer à une activité liée à la subsistance, ḥas veShalom. Il doit agir selon l'opinion de Rabbi Shimon bar Yoḥaï (12).
L'expression « וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ» doit être séparée de son contexte et des premiers versets «וְהָיָה, אִם-שָׁמֹעַ תִּשְׁמְעוּ אֶל-מִצְוֹתַי, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוֶּה ... » pour une raison grammaticale : ces versets sont au pluriel, alors que « וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ» est au singulier ! C'est donc à juste titre que Rashbi associe une insuffisance dans le service divin à l'expression « וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ» : celui qui est engagé, tant soit peu, dans une activité professionnelle, n'accomplit pas la Volonté divine !
On sait que l'un des Kérouvim représentait HaShem, tandis que l'autre représentait Israël, Son trésor, l'objet de Son amour. La mesure de la proximité et de l'attachement à HaQadosh Baroukh Hou, ou l'inverse, D.ieu nous en préserve, était miraculeusement perceptible grâce aux positions des Kérouvim.
Si les visages d'Israël « regardaient directement (13) » HaShem [c'est-à-dire se tournaient vers Lui], alors, les Kérouvim se plaçaient face-à-face. [Mais] si leurs visages formaient un angle [c'est-à-dire se détournaient tant soit peu], les Kérouvim en témoignaient immédiatement. Et si, ḥas veShalom, ils tournaient le dos [à HaShem], les Kérouvim détournaient entièrement leurs visages l'un de l'autre.
Comme l'enseignent Ḥazal : « Ils enroulaient le rideau du Saint des Saints pour montrer au peuple d'Israël qui montait au Beth HaMiqdash au moment des fêtes de pèlerinage que les Kérouvim étaient unis et enlacés, et ils leur disaient : ''Voyez l'amour que HaShem vous porte [il est comme celui qu'un homme et une femme se portent.] (14)'' »
Qu'est-ce qu'un temps de miséricorde ? Alors que les Kérouvim se faisaient face et se regardent dans les yeux, toutes les différences de couleur sont rectifiées [et échangées, avec un échange entre jugement et compassion], témoignant de la manière dont Israël cherche à se corriger lui-même face à HaShem (15).
[Que signifie le verset :] « Qu'il est bon, qu'il est doux à des frères de vivre dans une étroite union ! (16) » Lorsqu'ils [les Kérouvim] se regardent l'un l'autre, il est écrit : « Qu'il est bon, qu'il est doux à des frères... » et quand le [Kérouv] mâle [qui représente HaShem] détourne le regard de la femelle [qui représente Israël], malheur au monde ! (17)
Lorsqu'Israël était méritant, les Kérouvim s'attachaient l'un à l'autre, face-à-face. Mais s'il fautait, ils [les Kérouvim] se détournaient l'un de l'autre... Donc les Kérouvim se faisaient face lorsqu'Israël était méritant, et par ces secrets on savait si Israël était ou non méritant. Il est écrit : « Servez HaShem dans la joie ! (18) » C'est la joie des Kérouvim, quand la joie réside sur eux, le monde est restauré dans un état de miséricorde (19)
1 Shemot – Exode 25,20 et 37,9.
2 II Divréi haYamim – 2 Chroniques 3,13, c'est-à-dire vers l'Est, soit vers le Saint des Saints où se trouvait l'Arche.
4 Dans les premières versions imprimées, cette référence à Rashbam était notée comme une référence à Rashi. Mais le commentaire de Rashi sur Baba Batra s'interrompt à la page 29a. Le Rashbam a poursuivi le commentaire de son grand-père à partir de là jusqu'à la fin du traité. Voici ce qu'il écrit : « Et ils se faisaient face : Il s'agit des Kérouvim de Moshé. Ils faisaient face à la Maison : on parle ici des Kérouvim de Shelomo dans Divréi HaYamim où l'on peut lire : ''quant à eux-mêmes [les Kérouvim], ils se tenaient debout sur leurs pieds, la face tournée vers l'édifice.'' et ils ne sont pas comme ceux de Moshé qui étaient sur le Kaporet [c'est-à-dire au dessus de l'Arche sainte], mais ils étaient sur le sol, fabriqués en bois d'olivier et recouverts d'or, comme il est écrit dans Mélakhim. Pourtant il est écrit : ils faisaient face à la Maison ? Que les Kérouvim aient été disposés sur le Kaporet ou sur le sol, n'auraient-ils pas dû se présenter de la même façon ? Car ici [c'est-à-dire lorsqu'ils se faisaient face], c'est lorsque Israël accomplit la Volonté divine : ils se font face à la manière d'un homme et d'une femme qui s'aiment, comme un signe de l'amour de HaShem pour Israël. C'est ainsi qu'ils ont été fabriqués initialement, dans cette posture face-à-face, pour que la Shékhina puisse résider en Israël et que Israël accomplisse la Volonté divine. Mais quand [Israël] n'accomplit pas [la Volonté divine], ils se tournent miraculeusement vers la Maison. »
5 (suite du commentaire du Rashbam traduit dans la note précédente :) « leur position formait un angle : en partie vers la Maison, en partie l'un face à l'autre, comme une personne qui parle à son prochain et penche la tête d'un côté. La réponse qui fait référence à Israël accomplissant ou non la Volonté divine ne s'applique pas ici (...) »
6 Tossefot confirment donc l'opinion du Rashbam, c'est-à-dire que la réponse qui fait référence au comportement d'Israël n'est pas pertinente, puisque dès l'origine, ils étaient placés selon la situation où Israël accomplit la Volonté divine.
7 La discussion entre Rabbi Yishmaël et Rabbi Shimon bar Yoḥaï (Rashbi), qu'on trouve en Berakhot 35b, a de nombreux échos dans la littérature rabbinique. Elle porte sur l'interprétation de la formule qui figure dans le second paragraphe du Shema : (וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ - et tu rassembleras ton grain – Devarim – Deutéronome 11,14), formule qui dévoile en réalité deux approches apparemment différentes du Service divin, comme on le verra.
8 Yehoshua – Josué 1,8 : « לֹא-יָמוּשׁ סֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה מִפִּיךָ », et la suite du verset : « tu le méditeras jour et nuit afin d'en observer avec soin tout le contenu ; car alors seulement tu prospéreras dans tes voies, alors seulement tu seras heureux. »
9 Devarim – Deutéronome 11,13 : « וְהָיָה, אִם-שָׁמֹעַ תִּשְׁמְעוּ אֶל-מִצְוֹתַי, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוֶּה אֶתְכֶם, הַיּוֹם-לְאַהֲבָה אֶת-ה' אֱלֹהֵיכֶם, וּלְעָבְדוֹ, בְּכָל-לְבַבְכֶם, וּבְכָל-נַפְשְׁכֶם »
10 Qui sont les mois où les activités agricoles sont les plus intenses, et où les familles des élèves de Rava avaient besoin de leur aide.
11 Mishna Avoth (2,2) : « וְכָל תּוֹרָה שֶׁאֵין עִמָּהּ מְלָאכָה סוֹפָהּ בְּטֵלָה וְגוֹרֶֽרֶת עָוֹן.... »
12 Rabbi Ḥayim introduit ici la note 10, reproduite à la fin du chapitre.
13 Citation stylistique de Téhillim – Psaume 11,7 : « יָשָׁר, יֶחֱזוּ פָנֵימוֹ - quiconque est droit contemplera Sa face. »
14 Yoma 54a. Les visages des Kérouvim figuraient un garçon et une fille.
15 Zohar II Térouma 152b.
16 Téhillim – Psaumes 133,1 : « הִנֵּה מַה-טּוֹב, וּמַה-נָּעִים-- שֶׁבֶת אַחִים גַּם-יָחַד »
17 Zohar III Aḥarei mot 59b.
18 Téhillim – Psaumes 100,2 : « עִבְדוּ אֶת-ה׳ בְּשִׂמְחָה »
19 Zohar Hadash I Térouma 72a.