A'HAREI MOT 5778
Singularité de la Vache rousse...
אֶת-מִשְׁפָּטַי תַּעֲשׂוּ וְאֶת-חֻקֹּתַי תִּשְׁמְרוּ, לָלֶכֶת בָּהֶם: אֲנִי, יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם
« Vous ferez (ta'assou) Mes ordonnances (mishpataï) et Mes statuts ('houqotaï) vous garderez (tishmerou) pour y marcher, Je suis Hashem votre D.ieu. »
Wayiqra 18,4
Pourquoi la Torah utilise-t-elle deux termes différents (vous ferez, vous garderez) pour correspondre respectivement aux deux types de Mitswot (Mishpatim et 'Houqim), demande le Rav Shlomo Ganzfried, cité par le Talelei Orot ?
Le Rambam écrit, dans ses Shmonei Praqim (chap. 6) que selon l'enseignement de nos Sages, un homme aspirant grandement à transgresser, mais qui domine son penchant, se situe plus haut qu'un homme vertueux, qui n'éprouve aucun désir de pécher.
Pour les philosophes inversement, l'homme instinctivement attiré vers le bien est à un niveau plus élevé que celui qui éprouve ces inclinations mauvaises, quand même il en viendrait à bout.
Ces deux opinions sont justes, poursuit le Rambam.
S'agissant des Mitswot « rationnelles », celles auxquelles l'homme se plierait même si la Torah ne les avait pas ordonnées (Maïmonide cite le meurtre, le vol, le mépris des parents, le tort causé à l'innocent, le mal rendu pour le bien...), alors, celui qui n'est aucunement enclin à adopter de tels comportements est certainement au niveau le plus élevé.
Mais en ce qui concerne les « Lois révélées », celles qui « sans les Prophètes, ne seraient en aucune manière tenues pour mauvaises », il n'en va pas de même. Maïmonide, citant le Yalkout Shimoni, enseigne en effet : « on ne doit pas dire : je ne voudrais pas manger [cette nourriture interdite], ni porter ce vêtement [tissé de laine et de lin], ni épouser telle proche parente. Je le voudrais au contraire, et si je m'interdis ces actes, c'est uniquement parce que mon Père qui est dans les Cieux me l'interdit ! »
Voilà pourquoi la Torah nous ordonne : « Vous ferez Mes mishpatim », c'est-à-dire les Mitswot rationnelles, même si, pour les adopter, vous n'auriez pas eu besoin que Je vous en donne l'ordre.
Et « vous garderez Mes 'houqot », les lois dont la rationalité échappe à l'entendement humain, parce que Ma Torah vous le commande !
C'est ainsi que Rashi explique le langage du verset : Les « ordonnances » (mishpatim), ce sont « les préceptes énumérés dans la Torah relatifs à la justice. Si elle ne les avait pas énoncés, les hommes auraient eu tout intérêt à le faire eux-mêmes. »
Quant aux « statuts » ('houqim), « Ce sont les préceptes correspondant à la volonté du Roi (Gzérat haMelekh), contre lesquelles l'accusateur et les nations du monde élèveront des objections [...] C'est pourquoi il est écrit : 'Ani Hashem' - Vous n'avez pas le droit de vous y soustraire. »
Le Maharsha (Rabbi Shmouel Eliezer Halevi Edels - 1555-1631) se demande pourquoi la vache rousse ne figure pas dans cette liste, alors qu'elle est l'exemple type du « 'hoq », du commandement sans aucune relation avec ce que notre intelligence peut concevoir.
Il ne faut pas penser que les objections du Sa-tan s'élèvent sur les Mitswot proprement dites, répond le Maharsha, même les plus déroutantes, parce qu'on peut toujours parvenir à les expliquer d'une manière ou d'une autre.
Sa perversité s'applique aux nuances, aux détails, aux distinctions que la Torah établit au sein de la Mitswah.
La Guemara ('Houlin 109b) enseigne en effet : « Pour tout ce qu'Il a interdit, Hashem a autorisé quelque chose de similaire : Il a prohibé le sang mais Il a permis le foie [...] Il a interdit le porc, mais a permis la cervelle de shibouta [un poisson au goût comparable] ; Il a prohibé les relations avec une femme mariée, mais Il a permis d'épouser une divorcée du vivant de son ancien mari ; Il a interdit les relations avec la femme de son frère, mais Il a ordonné la yebama [la veuve de son frère mort sans enfants]. »
Les sarcasmes des nations et du sa-tan portent sur la possibilité de trouver une « contrepartie » permise, ou pure, à ces interdictions, et de les tourner en dérision : elles n'auraient, en vérité, rien d'absolu. Elles pourraient entrer dans le cadre relativiste d'une vision du monde où tout se vaut...
Vient la vache rousse, pour laquelle il ne se trouve aucune « contrepartie » dans la Torah !
Voilà pourquoi elle ne se trouve pas dans la liste...
Nos détracteurs ne trouveront rien qui en relativise la portée.
Toute la Torah s'y concentre.
Elle est l'image la plus sublime du « décret du Roi », en Qui nous plaçons une confiance absolue !
Et voici le statut, le 'hoq auquel nous devons nous attacher avec amour, parce que seul Hashem, dans Son amour pour nous, et en vue de notre purification, pouvait l'ordonner !
Mis en ligne le 10 Iyar 5778 (25ème jour du 'Omer) - 24 avril 2018