BEAHALOTÉKHA 5778

Les cailles et le grand Sanhédrin

זָכַרְנוּ, אֶת-הַדָּגָה, אֲשֶׁר-נֹאכַל בְּמִצְרַיִם, חִנָּם; אֵת הַקִּשֻּׁאִים, וְאֵת הָאֲבַטִּחִים, וְאֶת-הֶחָצִיר וְאֶת-הַבְּצָלִים, וְאֶת-הַשּׁוּמִים

« Il nous souvient du poisson que nous mangions pour rien en Égypte, des concombres et des melons, des poireaux, des oignons et de l'ail. »

Bamidbar 11,5

Comment comprendre ce stupéfiant épisode, demande le Rav Shimshon Raphaël Hirsch, autrement que comme un rejet intégral du message dont Moshé Rabbenou était le porteur ?

Le tendre souvenir des oignons et de l'ail «gratuits» résonne comme l'échec de sa mission. HaQadosh Baroukh Hou ne lui a pas seulement demandé de donner la Torah aux Bnei Yisrael, mais aussi de les former en un peuple qui vise aux idéaux spirituels les plus élevés. Au lieu de quoi, les voilà qui pleurnichent à l'entrée de leurs tentes parce que le menu de la cantine a changé !

Pire encore, le problème ne semble pas avoir d'issue. Moshé a bien entendu une foi parfaite dans la capacité de Hashem d'accomplir n'importe quel miracle. Mais les exigences du peuple semblent dérisoires, et déplacées. Ce n'est pas le genre de crise à laquelle Hashem pourrait répondre par une intervention miraculeuse. Pour apaiser le peuple, il faudrait obtenir de la viande par des moyens naturels. Comment pourrait-il, en plein désert, se procurer une telle quantité de nourriture ?

Pour ne rien arranger, Moshé était hanté par le souvenir de ses débuts dans la carrière. Lorsque Hashem avait fait appel à lui depuis le buisson ardent, et lui avait demandé d'aller plaider devant Par'o la cause de Son peuple opprimé, il avait longtemps renâclé. Pendant une semaine entière, d'après 'Hazal, il avait tenté de persuader D.ieu de Se trouver un autre porte-parole.

Bien sûr, Moshé aurait volontiers subi les pires avanies, si cela avait eu pour effet d'améliorer la condition du Peuple juif. Mais il ne se sentait pas à la hauteur de la tâche, et il implora D.ieu d'opter pour une autre solution. Et il est vrai que choisir un dirigeant qui manque de confiance dans ses propres capacités, c'est courir droit à l'échec ! Et voilà que les faits lui donnent raison !

« לָמָה הֲרֵעֹתָ לְעַבְדֶּךָ, וְלָמָּה לֹא-מָצָתִי חֵן, בְּעֵינֶיךָ: לָשׂוּם, אֶת-מַשָּׂא כָּל-הָעָם הַזֶּה-עָלָי - Pourquoi as-Tu rendu Ton serviteur malheureux ? Pourquoi n'ai-je pas trouvé grâce à Tes yeux, et m'as-Tu imposé le fardeau de tout ce peuple ? » (Ib. 11,11)

Pourquoi D.ieu avait-Il rejeté la requête la plus sensée de Moshé ? Il lui était impossible de réussir ! « הֶאָנֹכִי הָרִיתִי, אֵת כָּל-הָעָם הַזֶּה--אִם-אָנֹכִי, יְלִדְתִּיהוּ: כִּי-תֹאמַר אֵלַי שָׂאֵהוּ בְחֵיקֶךָ, כַּאֲשֶׁר יִשָּׂא הָאֹמֵן אֶת-הַיֹּנֵק, עַל הָאֲדָמָה, אֲשֶׁר נִשְׁבַּעְתָּ לַאֲבֹתָיו - Est-ce donc moi qui ai conçu tout ce peuple, moi qui l'ai enfanté, pour que Tu me dises : Porte-le dans ton sein, comme le nourricier porte le nourrisson, jusqu'au pays que Tu as promis par serment à ses pères ? » (Ib. 11,12)

Lorsque des parents ne parviennent pas à accomplir leurs objectifs éducatifs, il leur reste du moins les liens d'amour et de respect. Mais même cela semble refusé à Moshé, de qui ils exigent des choses dérisoires et impossibles.

La réponse de Hashem semble à première vue n'avoir aucune pertinence, par rapport à l'incendie qui menace : « אֶסְפָה-לִּי שִׁבְעִים אִישׁ מִזִּקְנֵי יִשְׂרָאֵל, אֲשֶׁר יָדַעְתָּ, כִּי-הֵם זִקְנֵי הָעָם וְשֹׁטְרָיו; וְלָקַחְתָּ אֹתָם אֶל-אֹהֶל מוֹעֵד, וְהִתְיַצְּבוּ שָׁם עִמָּךְ - Assemble-Moi soixante-dix hommes entre les anciens d'Israël, que tu connaisses pour être des anciens du peuple et ses magistrats; tu les amèneras devant la tente d'assignation, et là ils se rangeront près de toi. » (Ib.11,16).

Quel pouvait bien être le but, en pareille circonstance, d'entourer Moshé d'un conseil de soixante-dix anciens ?

Rashi précise : « C'est la réponse à ta plainte : 'Je ne puis, moi seul, porter tout ce peuple-ci' », mais pour le Rav Hirsch, Moshé pensa que l'objectif immédiat de cette institution devait bien être de résoudre la crise aiguë qui venait d'éclater. Dans ce cas, quel serait l'avantage d'avoir soixante et onze personnes observant une situation inextricable, plutôt qu'une seule ?

« שֵׁשׁ-מֵאוֹת אֶלֶף רַגְלִי, הָעָם אֲשֶׁר אָנֹכִי בְּקִרְבּוֹ; וְאַתָּה אָמַרְתָּ, בָּשָׂר אֶתֵּן לָהֶם, וְאָכְלוּ, חֹדֶשׁ יָמִים - Six cent mille voyageurs composent le peuple dont je fais partie, et Tu veux que je leur donne de la viande à manger pour un mois entier ! » (Ib.11,21)

Hashem avait en quelque sorte surenchéri sur la demande des Bnei Yisrael. Moshé comprenait encore que la viande réclamée à grands cris leur parviendrait par des moyens naturels, parce que D.ieu n'accomplirait certainement pas de miracles pour satisfaire une demande aussi insignifiante.

« הֲיַד יְהוָה תִּקְצָר; עַתָּה תִרְאֶה הֲיִקְרְךָ דְבָרִי, אִם-לֹא - Est-ce que le bras de Hashem est trop court ? Tu verras bientôt si Ma parole s'accomplit devant toi ou non ! » (Ib.11,23)

En d'autres termes, il y a infiniment plus de possibilités que tu ne peux l'imaginer pour Ma volonté de s'accomplir, même dans le cadre des lois naturelles que J'ai créées. L'être humain n'a pas la capacité de prévoir des événements comme la soudaine et apparemment fortuite abondance de cailles, et de tels phénomènes ne requièrent pour Moi aucune modification des lois de la nature...

HaQadosh Baroukh Hou a montré, aux yeux de toute l'humanité, qu'Il est le Maître des lois naturelles, non seulement parce qu'Il peut les transgresser à Sa discrétion, comme Il l'a montré « en Égypte et sur la mer », mais aussi parce qu'Il peut en obtenir tous les effets inattendus qu'Il désire.

Mais dans ces conditions, quel était le rôle des Anciens ? En quoi ont-ils affecté l'arrivée, à point nommé, du déferlement des cailles ?

Avant de répondre, le Rav Hirsch rappelle que ces soixante-dix anciens sont devenus le modèle du grand Sanhédrin (Sanh. 2A et 16b) qui servira de guide à la Nation, dans toutes les circonstances et les tribulations de l'histoire juive.

Bien après la mort de Moshé, ces tribunaux exprimeront la parole de D.ieu pour le Peuple, dans des situations impossibles ou apparemment désespérées. Il faudra à leurs membres la résolution inébranlable de se soumettre aux exigences de Hashem, même lorsque les conditions ne semblent pas permettre leur accomplissement.

Cette première crise, à laquelle ce premier Sanhédrin dut faire face, préfigura l'activité des Sages d'Israël pour les générations à venir. On ne peut pas toujours voir à l'avance comment un problème sera résolu. Par l'étude de la Torah, on doit définir la juste façon d'agir, et on doit avoir confiance en D.ieu, qui certainement pourvoira aux solutions concrètes que l'homme ne peut ni décider ni prévoir.

Adapté du Rav Its'haq Adlerstein (Torah.org)

Mis en ligne le 18 Sivan 5778 - 1er juin 2018

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