CHAPITRE HUIT
L'accomplissement de la mitswah inspirera la pureté d'intention, et non l'inverse.
(Pour le Pr Gross : La voie étroite de la Torah)
[Le penchant au mal] peut séduire une personne d'une autre manière encore, avec un [prétendu] «faisceau de preuves» [expression rabbinique qu'on trouve en particulier dans l'introduction au Shulkhan Aroukh du Rama].
Elle consiste à lui faire croire que le but du service de l'homme n'est que d'éprouver « la crainte de Sa Magnificence » [ירת הרוממות un niveau très raffiné de crainte de D.ieu, que le Pr. Gross traduit par l'expression classique : crainte révérentielle] et que l'œil comme le cœur devraient être chaque jour concentrés sur cette seule dimension.
[Il le persuadera que] que la crainte du châtiment et la honte vis-à-vis d'autrui sont les pires traits de caractère, et qu'ils doivent être déracinés de son cœur.
Il l'entraînera à se concentrer sur l'amélioration de la Yirat haRomemout, au point qu'il en viendra à se convaincre que la crainte du châtiment et la honte vis-à-vis d'autrui sont des fautes, que l'on doit fuir comme on fuit le péché, jusqu'au moment où, pris dans les filets [de l'inclination au mal] il n'évitera pas la faute, tout en n'ayant pas acquis la crainte révérentielle comme il le faudrait.
Toute chose semblera moins importante à ses yeux, et il est alors possible que si quelqu'un lui fait une remontrance, et lui montre qu'il transgresse telle loi, son cœur lui dira de ne rien changer tant qu'il n'agit que par crainte d'autrui, crainte extérieure et superficielle, et non par pure crainte du Ciel.
Et cependant 'Hazal ont enseigné, par la bénédiction que R. Yo'hanan ben Zakkaï à ses disciples [sur son lit de mort. TB Berakhot 28b] : « Que sur vous la crainte du Ciel soit comme la crainte des hommes ! »
Et qui est plus grand et pieux que R. 'Amram 'Hassida, confronté à l'épreuve de la tentation, D. nous en préserve, usa de stratagème pour échapper au piège de son mauvais penchant, bien que cela le mît dans l'embarras devant des hommes [devant les Rabbins, qu'il avait appelés au secours, pour que leur présence l'empêche de fauter avec une très belle femme. L'épisode est rapporté dans TB Kiddoushin 81a]. L'essentiel pour lui était de ne pas transgresser [et la crainte d'autrui lui sembla le vecteur adéquat].
Et bien que Hashem veille à l'honneur des Tzadikkim, cet épisode a été raconté par le Talmud pour nous enseigner la bonne manière de servir D.ieu.
Je t'ai montré certaines des ruses qu'utilise le penchant au mal.
Comme l'enseignent nos sages de mémoire bénie [TB Kiddoushin 30b] : R.Itz'hak dit que le penchant au mal se renouvelle chaque jour, comme il est dit (Ber.6,5) : "וְכָל-יֵצֶר מַחְשְׁבֹת לִבּוֹ, רַק רַע כָּל-הַיּוֹם " seulement mauvais chaque jour [il s'agit du cœur de l'homme, dans la génération du déluge (dor hamaboul)]. Il n'est donc pas suffisant qu'une personne ait déjoué ses ruses la veille, ou l'avant-veille, car il se renouvelle entièrement chaque jour, et tout se passe comme s'il ne l'avait jamais incité au mal auparavant !
Au contraire, il tente de lui faire croire que toute la Torah qu'il a apprise, toutes les mitswoth qu'il a accomplies ne sont d'aucune conséquence, puisqu'il est « seulement mauvais chaque jour ». C'est de cette manière qu'il prend le dessus sur l'homme comme l'enseignent nos sages de mémoire bénie [TB Soucah 52b] : « צוֹפֶה רָשָׁע, לַצַּדִּיק; וּמְבַקֵּשׁ, לַהֲמִיתוֹ - Le rash'a guette le Tsaddik et cherche à le tuer. » (Tehilim 37,32) Il s'agit du mauvais penchant, c'est le malakh hamavet (l'ange de la mort) qui est plein d'yeux, et qui observe pour voir par quel biais il le fera trébucher (car le verbe Tséfiah, guetter, se réfère à un objectif futur), au point que la personne n'est plus consciente ni attentive [au danger].
Et maintenant, quant à toi qui me lis, ne crois pas que j'aie inventé ces choses, car j'ai pesé et éprouvé tout cela lorsque j'ai disposé mon cœur à chercher et enquêter, et j'ai vu de mes yeux bien des gens qui, recherchant la proximité de D. (Isaïe 58,2), ont trébuché sur les obstacles que j'ai indiqués, et m'ont dévoilé directement ce qui se produisait dan leur cœur.
J'ai vu de mes propres yeux des personnes si habituées et depuis si longtemps à ces manières d'agir qu'elles avaient perdu la notion de l'heure fixée par nos sages de mémoire bénie pour la prière de Min'ha !
Au contraire, ils avaient établi en eux la pratique de prier Min'ha après la tombée de la nuit, comme si c'était la Halakha et le Din, si bien que celui qui dit à son ami : « Prions Min'ha » reçoit cette réponse : « Voyons si nous pouvons voir les étoiles dans le ciel ! », que D. leur pardonne et soit clément pour l'ignorant et l'insensé.
Dispose ton cœur à connaître l'opinion des Sages (Mishlei 22,17), les possesseurs de la Torah, qui nous ont enseigné que l'essentiel est d'accomplir la Mitswah au moment fixé, dans toute la précision de ses détails, comme un décret immuable ('hoq welo ya'avor)
La pureté de la pensée se joindra à l'accomplissement, et « tu iras ainsi en sécurité » (Mishlei 3,23), et les deux [l'exécution correcte et la pureté de pensée] seront accomplis par tes mains.
C'est ainsi que la Mishna (Avot 3,9), enseigne que celui dont les actions dépassent la sagesse, sa sagesse se maintiendra, dans la sainteté, la pureté et la ferveur.
Et il ne faut pas prendre à la légère la métaphore de nos sages de mémoire bénie, à savoir que celui dont les actions dépassent la sagesse est comme un arbre qui a peu de feuilles mais de nombreuses racines, et que tous les vents du monde ne pourront déplacer.
Que celui qui entend comprenne...
Fin des huit chapitres d'avertissement au quatrième portique
Mis en ligne le 10 Elloul 5776 - 13 septembre 2016