CHAPITRE TROIS

Pour elle-même signifie : « pour la Torah elle-même »

En vérité, le concept de « Lishmah » signifie : pour la Torah elle-même (leshem haTorah).

C'est ce qu'enseigne le Rosh (sur TB Nedarim 62a), en expliquant les mots de R. Elazar b.R.Tsadok : « Accomplis les mots [de la Torah] pour Celui qui les a faits : c'est-à-dire pour Hashem Qui a fait toute chose en vue de Lui-même (léma'anehou) et parle-en pour elles-mêmes... (vedaber lahen lishman)» [L'expression « en vue de Lui-même » renvoie à un verset de Mishlei (16,4) qui dit : « Tout ce que D.ieu a fait est en vue de Lui-même, même le méchant pour le jour du châtiment », comme on le verra plus loin.]

Autrement dit [accomplis les mitswot pour ton Créateur mais pour ce qui est de l'étude de la Torah] tes paroles et ton effort intellectuel doivent être au nom de la Torah elle-même.

Par exemple pour la connaître, pour la comprendre, pour l'analyser, et non pour la tourner en dérision ou en tirer de l'orgueil [D. préserve].

Le Rosh (Rabbi Asher ben Ye'hiel - 1250-1327 ec) a été attentif au sens du changement de formulation [dans cet enseignement] de R. Elazar b.R.Tsadok :

Lorsqu'il est question de l'accomplissement [des mitswoth], il enseigne que ce doit être « au nom de Celui qui les a faits », alors que s'agissant de la parole, [il utilise le terme] « lishmah » [oubadibbour amar « lishmah »].

Donc, s'agissant de l'accomplissement [des Mitswoth, on doit agir] « pour Hashem Qui a fait toute chose en vue de Lui-même » et s'agissant le l'étude [de la Torah] il explique que cela signifie « au nom de la Torah elle-même ». [Je ne comprends pas très bien l'intérêt de cette redite - YN]

Et le sens [de ce commentaire du Rosh] est que la Mitswah doit certainement être accomplie de la meilleure manière possible, avec le plus de ferveur et de pureté de cœur possible, en fonction de l'intelligence et la capacité de perception de chacun, de sorte que « le Très-Haut soit loué » (Sotah 40a), et pour que s'accomplissent les réparations dans les mondes supérieurs.

C'est là le sens de « au nom de Celui qui les a faits » car « Tout ce que D.ieu a fait est en vue de Lui-même ». 'Hazal expliquent que cela signifie : « pour Sa louange (ou pour Sa gloire) ».

Cela n'empêche pas que l'essentiel de la Mitswah, sans quoi elle ne peut pas être accomplie du tout, c'est sa réalisation physique. L'absence de ferveur et de pureté de pensée n'empêche absolument pas l'accomplissement de la Mitswah, comme on l'a expliqué à la fin du premier portique.

Néanmoins, la sainteté et la pureté de pensée ajoutent à l'essence de l'accomplissement de la Mitzwah et permettent d'opérer de plus puissantes réparations dans les mondes, par comparaison avec une Mitswah accomplie sans dévêqut et sainteté de pensée.

Mais lorsqu'il s'agit du comportement de la personne lorsqu'elle étudie la Torah, les lois et les détails des commandements, il dit « parles-en » (vedaber lahen lishman), ce qui signifie : le fait de parler des détails des mitswot doit être pour les mots de la Torah elle-même, c'est-à-dire pour les comprendre, les analyser de manière approfondie etc.

(Rashi a une version différente [de l'enseignement de Rabbi El'azar B.R.Tsaddok] : « Et parles-en au nom du Ciel (Leshem Shamaïm) ». Il explique en conséquence que les intentions [de celui qui étudie la Torah] doivent être « au nom du Ciel ».

Cependant, considérant la manière dont 'Hazal expliquent en tout lieu le concept de lishmah, il est certain que si Rashi avait eu la même version que le Rosh, il aurait donné la même explication que lui.

En outre, le propos [du commentaire de] Rashi n'est pas de faire allusion à la dévêqut, mais plutôt d'exclure le cas de celui qui étudie pour railler ou se faire valoir lui-même, comme l'enseigne le Rosh et conformément à la fin du commentaire de Rabbi El'azar B.R. Tsaddok : « Ne te fais pas une couronne d'orgueil avec les mots de la Torah »)

C'est ainsi que le Talmud conclut, en parlant de Rabban Yohanan Ben Zakkaï, qui ne cessait jamais d'étudier la Torah, même pour un court moment, accomplissant le verset « pour faire hériter mes bien-aimés yesh... » (Mishlei 8,21)

Ce concept est longuement développé dans ce passage (Soucca 28a), qui est en soi un maamar de la Torah de Sainteté, qui « chante vers l'extérieur » [c'est-à-dire qui exprime clairement, sans ambiguïté le fait que] Hashem transmet un héritage et récompense largement tous ceux qui étudient Sa Torah, par un amour absolu pour Elle, c'est-à-dire pour la comprendre profondément.

C'est le sens de « Ceux que J'aime ».

[Voir Soucca 28a sur la conduite de Rabban Yohanan Ben Zakkaï]

[Commentaire de YN : La position du Nefesh ha'Haïm est toujours la même, solide comme un roc, dans une fidélité rigoureuse avec la tradition juive. On ne peut pas lui faire dire que la ferveur, l'intention, la pureté et la sainteté des pensées associées à l'accomplissement des commandements divins sont sans importance. Au contraire, il en souligne la valeur, et la portée en termes de tikkoun, de réparations effectuées dans les mondes supérieurs.

Mais il tient fermement que ces éléments sont en fait une addition à l'essence de l'accomplissement, qui est la réalisation effective, dans le monde physique, du geste et de la parole prescrits, au temps voulu, et avec les détails et les dispositions halakhiques précises qu'exige la Loi.

Le raisonnement sous-jacent est d'ailleurs simple. Sans une telle réalisation, la mitswah n'a tout simplement aucune existence, et n'est susceptible d'aucun effet ni dans ce monde, ni dans les mondes supérieurs.

En conséquence, celui qui accomplirait la mitswah de manière machinale, sans y ajouter la moindre intention aurait certes manqué à l'idéal sublime de sainteté de la Torah, mais dans la mesure où il aurait agi, au moment voulu, conformément aux exigences de la Halakha, il aurait sans aucun doute accompli la volonté de son Créateur.

La recommandation qui s'ensuit est donc double :

  • Il faut, d'abord et avant tout, donner une réalité à l'accomplissement de la mitswah, par le geste et la parole adéquats.
  • Il faut également, mais secondairement, chercher à purifier ses pensées et ses intentions, de manière à se rapprocher de la dimension de devêqut.

Ces idées seront encore développées dans la chapitre suivant.

On ajoutera, comme le Nefesh ha'Haïm l'a longuement développé dans l'introduction du quatrième portique, qu'il faut se garder de juger la manière dont notre prochain accomplit son service divin.]

Mis en ligne le 6 'Heshvan 5777 (5 novembre 2016) 

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