1.10
L'homme est plus grand que l'ange, et inversement
C'est
sur ces bases qu'on va expliquer une divergence d'opinion entre les
plus grands de nos Rishonim (1),
de mémoire bénie [sur la question suivante] : un Juif est-il
plus grand qu'un ange, ou l'ange est-il plus grand que lui ?
Chacun [de ces grands Maîtres] apporte des preuves tirées de passages explicites de l'Écriture [sainte.]
En s'appuyant sur nos paroles précédentes, on pourra expliquer qu'en vérité « les unes et les autres sont les paroles du D.ieu vivant (2) » mais en fonction de différents contextes.
Un ange est incontestablement plus grand qu'un Juif du fait de son essence, du niveau de sa Sainteté, de sa capacité perceptive extraordinaire. Aucune comparaison n'est possible sous ces aspects.
Comme l'enseigne le Zohar : « [Rabbi Kérouspédaï a appris:] la perception des anges est très grande par comparaison avec ce qui est en dessous d'eux. Le second type de perception [est celui des Cieux qui perçoivent au-delà de ce qui leur est inférieur.] Le troisième niveau [de perception] est au niveau le plus bas [dominé par] l'élément « terre » et qui est celui de l'homme (3).
[Rabbi El'azar dit au nom de Rabbi Tanḥoum] : Les anges, qui sont proches [de HaShem,] sont les premiers à recevoir la faculté de percevoir clairement ce qui est En-Haut. C'est d'eux que descend cette perception, vers les Cieux et toutes leurs Milices, et d'eux [finalement] jusqu'à l'homme (4).
Les anges des Royaumes supérieurs sont plus saints que nous (5).
Cependant, l'homme a un avantage significatif qui le distingue de l'ange sous un aspect particulier : il peut élever et relier entre eux les mondes, les forces et les lumières, et c'est une chose que les anges ne peuvent absolument pas faire. La raison en a été expliquée plus haut : l'ange est essentiellement une force unique et singulière, qui ne contient pas l'intégralité de tous les mondes.
Le Ets Ḥayim écrit à ce sujet : « Un ange n'est qu'un élément particulier d'un monde particulier au sein duquel il a une existence, tandis que l'âme humaine, avec ses trois éléments Nefesh, Rouaḥ et Néshama est constituée de tous les mondes (6). »
Par conséquent, un ange n'a pas le pouvoir ni la capacité d'élever, de relier ni d'unifier chacun des mondes avec celui qui lui est supérieur, car il n'est pas constitué de tous les mondes ou combiné à partir d'eux.
C'est pourquoi les anges sont appelés « stationnaires (7) », comme il est écrit : « Des séraphins se tenaient debout (8) » et encore : « Je t'ai donné accès parmi ceux qui sont là debout. (9) »
Seul l'homme peut élever, relier et unifier les mondes et les lumières par la force de ses actes, car il est constitué de tous [les mondes.] C'est alors que l'ange est capable d'accomplir une élévation, et d'accroître la sainteté au-dessus de son niveau de sainteté, accroissement qui vient des actions de l'homme, puisque [l'ange] est également incorporé en lui ! (10)
En outre, les trois niveaux de l'âme humaine – Nefesh, Rouaḥ, Néshama – ne sont capables d'élever et de connecter les mondes et eux-mêmes que lorsqu'ils descendent dans ce monde [physique] de l'action ('Assiah) et se manifestent dans un corps humain.
Comme il est écrit : « Il insuffla dans ses narines un souffle de vie » et alors [seulement] « l'homme fut âme vivante (11) » de tous les mondes.
C'est également l'idée sous-jacente de la vision de l'échelle dans le rêve de Ya'aqov Avinou. Le Zohar explique : « Il insuffla dans ses narines un souffle de vie », [c'est l'image qui est au-dessus d'une personne] au sujet de laquelle il est dit : « Il eut un songe que voici : Une échelle était dressée sur la terre [son sommet atteignait le ciel et des messagers divins montaient et descendaient le long de cette échelle.] (12) » Cette échelle est certainement son âme vivante (comme on l'expliquera plus avant, en 1,19, avec l'aide de D.) (13)
C'est par cette [échelle/âme] que « des anges montaient et descendaient le long de cette échelle », ce qui signifie que ces [montées et descentes des anges] dépendent de l'âme vivante [de l'homme] qui est dirigée vers la terre, et dont l'extrémité la plus basse s'incarne dans un corps humain (14).
1 Ramban (Naḥmanide), Ibn 'Ezra, Sa'adia Gaon, Rambam (Maïmonide).
2 Erouvin 13b : « אֵלּוּ וָאֵלּוּ דִּבְרֵי אֱלֹקִים חַיִּים » La formule (rapportée également en Guittin 6b) est employée au sujet des controverses halakhiques entre l'école de Hillel et celle de Shammaï. La Guémara conclut néanmoins que dans ce monde-ci, la Halakha suit l'opinion de Hillel, généralement la plus indulgente.
3 Zohar Ḥadash I Béréshit 15b-16a.
4 Zohar Ḥadash I Béréshit 28b.
5 Zohar II Térouma 129b.
6 Ets Ḥayim, Sha'ar 40, Sha'ar Pnimiyout veḤitsoniyout.
7 «עוֹמְדִים » littéralement « se tenant debout. »
8 Yéshayahou – Isaïe 6,2 : « שְׂרָפִים עֹמְדִים ».
9 Zékhariah – Zacharie 3,7 : « וְנָתַתִּי לְךָ מַהְלְכִים, בֵּין הָעֹמְדִים הָאֵלֶּה ».
10 Ets Ḥayim Sha'ar 28 : « Sache ce qu'il en est du secret de ce qu'ont enseigné Ḥazal : « Tu peux tous les regarder, sauf le char (ou le trône) de Rabbi Ḥiya. Quelles sont les caractéristiques du char de Rabbi Ḥiya ? Tous les autres chars disposent d'anges qui aident à leur mouvement, mais le char de Rabbi Ḥiya monte et descend par lui-même (Eyn Ya'aqov, Baba Metsia 7,16). » Les âmes des Tsaddiqim sont au-dessus de celles des anges. C'est ce qui est écrit ici, c'est-à-dire que les anges contribuent à l'ascension des chars des Tsaddiqim, excepté celui de Rabbi Ḥiya, car il montait de lui-même. Il peut sembler que ce soit un plus grand honneur que la montée se fasse grâce à des anges plutôt que sans eux. En quoi [cette absence des anges] marque-t-elle une supériorité [comme le suggère la Talmud] ? L'explication, c'est que les anges qui aident à l'élévation des chars des Tsaddiqim ont été sculptés avec l'âme et le char qui les porte. Comme l'enseignent Ḥazal, le char porte ceux qui le portent, comme « l'Arche portait les porteurs » (Sota 35a). Il semble donc que les anges portent le char, mais en réalité, c'est le char qui les porte jusqu'à un niveau à partir duquel ils ne peuvent monter davantage, même d'une très petite hauteur. C'est pourquoi le char de Rabbi Ḥiya, qui était à un niveau plus élevé que les anges, s'élevait de lui-même, puisque les anges n'étaient pas capables de s'élever avec lui. C'est le sens de « le char de Rabbi Ḥiya monte et descend par lui-même » comme on l'a dit. Le niveau des Tsaddiqim qui s'adonnent à l'étude de la Torah et aux bonnes actions est supérieur à celui des anges. »
11 Béréshit – Genèse 2,7. « וַיִּ֩יצֶר֩ ה׳ אֱלֹקִים אֶת־הָֽאָדָ֗ם עָפָר֙ מִן־הָ֣אֲדָמָ֔ה וַיִּפַּ֥ח בְּאַפָּ֖יו נִשְׁמַ֣ת חַיִּ֑ים וַיְהִ֥י הָֽאָדָ֖ם לְנֶ֥פֶשׁ חַיָּֽה » (Voir plus haut 1,4.)
12 Béréshit – Genèse 28,12 : « וַֽיַּחֲלֹ֗ם וְהִנֵּ֤ה סֻלָּם֙ מֻצָּ֣ב אַ֔רְצָה וְרֹאשׁ֖וֹ מַגִּ֣יעַ הַשָּׁמָ֑יְמָה וְהִנֵּה֙ מַלְאֲכֵ֣י אֱלֹקִים עֹלִ֥ים וְיֹרְדִ֖ים בּֽוֹ »
13 Zohar Raya Méhemna III Nasso 123b.