2.13
La simple concentration sur les mots est une méthode éprouvée pour obtenir une prière pure.

La méthode recommandée pour cela (1), c'est celle que le Maggid indiqua au Beth Yossef : « Être attentif à limiter ses pensées pendant la prière aux seuls mots de la prière, et ne pas se laisser aller à d'autres pensées, fussent-elles [des pensées] de Torah et Mitsvot. (2) »
Il faut être attentif au sens précis de ses paroles [celles du Beth Yossef].
Il ne dit pas qu'il faudrait faire porter son attention sur l'intention sous-tendue par les mots, puisqu'en réalité, nous sommes incapables d'appréhender l'essence profonde de l'intention de la prière. Même les plus infimes perceptions de l'intention contenue dans la prière, telles qu'elle nous furent données par nos Maîtres, depuis les sublimes et saints Rishonim jusqu'au saint homme de D.ieu, le merveilleux Arizal qui déploya « desseins merveilleux et haute sagesse (3) », [ces aperçus] ne seraient pas même une goutte dans l'océan pour saisir la profondeur associée à la formulation des mots de la prière [que nous ont léguée] les hommes de la grande Assemblée, composée de cent-vingt Anciens, et dans les rangs desquels on comptait nombre de prophètes.
Celui qui peut comprendra « qu'aucune personne actuellement vivante (4) » n'est capable d'un tel niveau de réparation (5), qui englobe et comprend les réparations des mondes supérieurs et inférieurs, ainsi que les agencements des éléments de la Merkava en une seule et même formule de prière, de telle sorte que chaque récitation de cette formule est la cause de nouvelles et uniques rectifications dans l'agencement des mondes et des forces, et dans l'épanchement de nouveaux Moḥin (6). De leur conception jusqu'à la Rédemption [finale] il n'existera pas une seule occurrence de prière qui soit identique à aucune instance précédente ou suivante.
De même que les vêtements portés le matin ne sont pas comme ceux du soir, et que ceux portés aujourd'hui ne sont pas ceux qui seront portés demain (7).
C'est pourquoi nos Maîtres ont enseigné que le verset : « Ce qui est tordu ne peut être redressé » fait référence à une occasion perdue de réciter le Shém'a ou la 'Amidah [et qui ne peut être rectifiée. (8)]
C'est ce que le Pri Èts Ḥayim développe longuement (9).
[Ces formulations sont d'une telle complexité qu'il aurait été] impossible [de les concevoir] sinon par le moyen d'un niveau très élevé de prophétie et d'inspiration divine qui se trouvait puissamment représenté [parmi les Hommes de la grande Assemblée] lorsqu'ils ont établi la forme des prières et des bénédictions. C'est HaShem qui a placé dans leurs bouches ce choix particulier de mots, ainsi que toutes les réparations qu'ils recèlent.
C'est pourquoi [aujourd'hui], nul ne peut « se tenir dans le secret de HaShem (10) » pour appréhender les profondeurs de l'intention divine, et la façon dont la lumière se manifeste en chaque mot [de la prière.]
Voici donc l'élément-clé du service de la prière : lorsque l'on prononce chacun des mots, il est bon de former une image mentale de la forme du mot et des lettres qui le composent (11). On se concentrera sur l'épanchement d'un supplément de force de Sainteté à travers le mot. Cette force portera des fruits En-Haut pour accroître leur Sainteté et leur lumière. Comme je l'ai écrit plus haut (12), Ḥazal désignent la prière comme « des mots qui se tiennent au sommet de l'Univers (13) », c'est-à-dire que chaque mot, littéralement de par sa forme, est élevé dans les royaumes les plus élevés pour se connecter avec leur source et leur racine, et effectuer de merveilleuses réparations (14).
C'est une extraordinaire méthode, testée et éprouvée par ceux qui en ont pris l'habitude, pour se débarrasser des pensées vaines et confuses qui font obstacle à la pureté des pensées et de la concentration. Ceux qui accroissent leur niveau à cet égard augmentent le niveau de pureté de la pensée dans leur prière. C'est là [le niveau] de la concentration simple de l'intention.
1 C'est-à-dire, comme Rabbi Ḥayim l'a expliqué au chapitre précédent : « élaborer des méthodes […] pour échapper à la confusion des pensées impures... »
2 Maggid Mésharim Azharot 2. Cet ouvrage de Rabbi Yossef Karo (le Beth Yossef, auteur du Shoulkhan Aroukh) recense les enseignements reçus d'un messager envoyé par le Ciel. (L'attribution et l'authenticité du livre ont été contestées par certains. Néanmoins, il est clair que Rabbi Ḥayim le considère comme une source de valeur, et en fait même l'argument central du présent chapitre.)
3 Citation stylistique de Yéshayahou – Isaïe 28,29 : « הִפְלִא עֵצָה, הִגְדִּיל תּוּשִׁיָּה ».
4 Citation stylistique de Daniel 2,10 : « לָא-אִיתַי אֱנָשׁ עַל-יַבֶּשְׁתָּא », littéralement : « il n'est personne sur la terre sèche. »
5 «לְתַקֵן תִקּוּן נִפְלָא » littéralement : réparer une réparation (tiqoun) merveilleuse.
6 L'épanchement provenant de l'Intellect divin. Moḥin est lié à Ḥokhma, Binah et Da'at, les « trois Têtes ». (Voir P1C16) et d'où sont générées les Midot (Sefirot). Voir la note du Rav Fraenkel en fin de volume.
7 Tiqounéi Zohar Tiqoun 22 65a. À mettre en relation avec l'idée exprimée en P1C2, à savoir qu'à chaque instant créé correspond une combinaison différente des éléments. Par conséquent, chaque prière est une occasion unique de réparation.
8 Haguiga 9b sur Qohélet 1,15 : « מְעֻוָּת, לֹא-יוּכַל לִתְקֹן ».
9 Pri Èts Ḥayim Sha'ar haTéfilla, 7 : « Tu dois savoir qu'il y a une grande différence entre la prière des jours de semaine et celle de Rosh Ḥodesh, entre celle du Yom Tov, celle de Hol HaMo'èd et celle du Shabbat. Mieux encore, quant à la prière du Yom Tov, celle de Pessaḥ, Shavou'ot et Souccot ne sont pas identiques. Même en ce qui concerne les jours de semaine eux-mêmes, celle d'aujourd'hui ne sont pas comme celle de demain. Et plus encore que tout cela, il y a une grande différence entre les prières quotidiennes, et celle du matin n'est pas identique à celle de l'après-midi, ni à celle du soir. Le fond de l'affaire, c'est que depuis la Création du monde et jusqu'à la fin des temps, il n'est absolument aucune prière qui soit semblable à une autre. Nous en avons déjà expliqué la raison, à savoir que les prières ont pour objectif d'extraire le bien laissé par la mort des sept rois [c'est-à-dire les derniers restes des deux-cent quatre-vingt huit étincelles de Sainteté qui sont tombées dans l'impureté du fait du phénomène appelé « brisure des vases »]. À chaque jour qui passe, et pour chaque prière se produit une nouvelle extraction des étincelles qui n'avaient pas encore été extraites. C'est également le concept de l'épanchement de lumière associé à la récitation du Shém'a, aucune de ces récitations n'étant semblable à une autre pour la raison qu'on a expliquée. C'est pourquoi nous avons reçu le commandement de réciter Shém'a deux fois par jour. Si on omet une seule occasion, cela s'appelle ''ce qui est tordu [et] ne peut être redressé.''
La raison en est qu'à chacune des occasions de prier et de réciter Shem'a, de nouvelles extractions du bien sont effectuées, outre les Moḥin supplémentaires épanchées d'En-Haut, qui sont absolument uniques, et ne peuvent [être extraites ou épanchées] par aucune autre instance de prière ou de récitation du Shém'a. apparaît ainsi qu'à chaque prière de nouveaux Moḥin et de nouvelles extractions se produisent. Mais après la prière, ils reviennent en arrière et s'en vont, ce qui permet de comprendre l'enseignement de nos Sages, qui disent que ''les anciens Ḥassidim [méditaient] pendant une heure avant la Téfilla'', demeuraient une heure après, et restaient une heure en prière. Pour quelle raison ? Parce que depuis la destruction du Beth HaMiqdash du fait de nos fautes, Moḥin s'est éloignée de Zeer Anpin et de Nukva. Nous avons donc l'obligation de prier chaque jour pour ramener Moḥin à sa place, pour rendre possible l'union de Zeer Anpin et Nukva, comme le dit la Guémara : ''Si seulement un homme pouvait prier tout le jour'' (Berakhot 21a) et il me semble, [à moi Rabbi Ḥayim Vital] que celui qui porte les Téfilines tout le jour permet à Moḥin de demeurer également tout le jour. C'est pour cela que Ḥazal ont dit que les Ḥassidim d'autrefois n'ôtaient pas leur Téfilines de toute la journée. »
10 Citation stylistique de Yermiyahou – Jérémie 23,18 : « כִּי מִי עָמַד בְּסוֹד ה׳».
11 Rabbi Ḥayim introduit ici la note 32, qui figure à la fin de ce chapitre et s'intitule : « La différence entre prier en hébreu et prier dans une autre langue. »
12 En P2C10.
13 Berakhot 6b.
14 Le commentaire suivant du Gaon de Vilna (Imré Noam sur Berakhot 31) fait le lien entre l'idée exprimée dans le premier chapitre du présent Portique, à savoir que la prière doit être dirigée vers HaShem exclusivement et l'enseignement de notre chapitre qui indique que dans la prière, on doit se concentrer sur les mots eux-mêmes : « ''[Celui qui prie] doit diriger son cœur vers le Ciel'' (Berakhot 31a). Cela signifie qu'on doit se concentrer sur les affaires du Ciel, à l'exclusion d'autre chose. Le sens de l'expression « son cœur » c'est la concentration de son cœur, c'est-à-dire le sens des mots. Le Tanna (l'auteur de cette Mishna) nous enseigne deux choses : 1. qu'une personne doit se concentrer vers le Ciel, 2. qu'elle doit se concentrer sur le sens des mots. »