PESSA'H 5777

Pessa'h : Revivre la sortie d'Égypte

Les enfants les plus jeunes savent que le premier objet du Seder de Pessa'h est de raconter, oralement, l'expérience amère de l'oppression de nos pères en Égypte, et la manière miraculeuse dont ils en furent délivrés.

וְהִגַּדְתָּ לְבִנְךָ, בַּיּוֹם הַהוּא לֵאמֹר: בַּעֲבוּר זֶה, עָשָׂה יְהוָה לִי, בְּצֵאתִי, מִמִּצְרָיִם

Tu donneras alors cette explication à ton fils: « C'est pour cela que Hashem a agi en ma faveur, quand je sortis d'Égypte » (Shemot 13,8)

Contrairement à la mitsvah quotidienne de se souvenir de la sortie d'Égypte, l'obligation de raconter exige une participation active de chacun. C'est si vrai que celui qui est seul, même s'il est un talmid 'hakham accompli, a le devoir de se raconter à lui-même.

La Guémara (Pessa'him 116b) s'exprime ainsi : « Si son fils est instruit, c'est lui qui posera les questions. Et s'il n'est pas instruit, c'est sa femme qui posera les questions. Et sinon, il se posera les questions à lui-même. Et même deux maîtres réunis qui connaissent les dinim de Pessa'h se poseront les questions l'un à l'autre. »

Une question se pose immédiatement : pourquoi est-ce nécessaire ? Pourquoi même un Talmid 'hakham accompli, même une personne seule doivent-elle se poser les questions du Seder ?

Ce n'est pas tout.

Nos Sages enseignent que la Mitsvah de raconter n'est soumise à aucune limite. « Celui qui abonde en récits de la sortie d'Égypte est digne de louanges. »

Que nous apprend le caractère « illimité » de cette Mitsva ?

Pour répondre à cette question, examinons un autre aspect essentiel du Seder : l'obligation de revivre l'expérience de la sortie d'Égypte. C'est un un enseignement très connu et abondamment commenté de la Mishna : « Chacun a l'obligation de se considérer comme s'il était lui-même sorti d'Égypte. » (Pessa'him 116b)

Cette obligation pose de nombreuses questions. En quoi consiste-t-elle exactement ? Quels aspects particuliers de la sortie d'Égypte devons nous « revivre » ? Est-elle réaliste, dans nos conditions de vie actuelles, si éloignées, בּרוך ה׳, des souffrances de la servitude égyptienne ? Ne serait-il pas suffisant de faire le récit, de manière détaillée, certes, mais sans nous impliquer à ce point ?

Une réponse simple consiste à dire qu'il s'agit de s'identifier à nos ancêtres, d'intérioriser leurs souffrances et leurs combats, et par conséquent, d'apprécier de manière plus juste l'intervention miraculeuse de D.ieu, dont nous bénéficions encore de nos jours.

ואלו לא הוציא הקדושׁ בּרוך הוא את אבותינו ממצרים, עדין אנו ובנינו ובני בנינו משׁעבדים היינו לפרעה בּמצרים.

(Si le Saint, Béni soit-Il, n'avait pas sorti nos pères d'Égypte, alors nous, nos enfants et nos petits-enfants serions restés asservis au Pharaon en Égypte)

Le Rambam (הילכות חמץ או מצה 7,6) exige que chacun non seulement se voie comme personnellement sorti d'Égypte, mais également agisse comme un esclave libéré, ce qu'évoquent de nombreuses mitsvot du Séder, qui symbolisent tour à tour la servitude et la condition d'homme libre.

C'est là une première réponse à nos questions précédentes : il ne suffit pas de savoir ce qui s'est passé pour s'acquitter de la mitsva du Seder, il faut se relier personnellement au récit. Raconter, questionner, répondre, ajouter des informations, même déjà connues, voilà ce qui va concourir à revivre l'expérience.

Cette réponse, cependant, ne semble pas entièrement convaincante. Le temps, l'espace, et (plus encore peut-être) nos confortables modes de vie créent une inévitable distance avec l'expérience de nos pères.

Si l'on y ajoute l'exigence du Maharal (Guévourot Hashem, 61) que chacun voie sa propre génération comme celle qui est sortie d'Égypte, les choses se compliquent encore davantage !

Le Rav Naftali Hoff suggère de lire le nom מצרים non comme Mitzraïm, mais comme metzarim (étroitesse, confinement). La mitsva devient alors : chacun a l'obligation de se considérer comme s'il avait laissé derrière lui son oppression spirituelle personnelle.

La servitude égyptienne n'était pas seulement physique. C'était un esclavage spirituel. Le niveau spirituel de nos ancêtres était au plus bas, enseignent nos Maîtres. C'est ainsi qu'il faut comprendre l'idée que « nous serions encore esclaves de Pharaon ». Il est clair que la dynastie des rois d'Égypte qui nous a asservis a disparu depuis longtemps dans les abîmes de l'histoire. En revanche, « si D.ieu ne nous avait sortis », c'est notre identité spirituelle unique qui se serait définitivement diluée dans la civilisation égyptienne, חס ושׁלום.

Dès lors, on comprend parfaitement que cette perspective existentielle n'est pas spécifique de la génération « historique » de la sortie d'Égypte. Elle est contemporaine de chaque génération !

Le Rav Dessler, ZL, souligne que les fêtes ne sont pas seulement des anniversaires, destinés à nous rappeler d'importants événements. Elles sont aussi l'occasion de se connecter à la source d'énergie spirituelle propre à chaque fête. A Kippour, nous avons une occasion unique de rechercher l'expiation de nos fautes, comme nos Pères après la faute du veau. A Souccot, nous éprouvons la joie et la gratitude pour l'amour et la protection divins, comme nos ancêtres au désert. A Shavouot, nous nous tenons au pied de la montagne pour recevoir la Torah de la bouche de D.ieu.

De la même manière, la liberté de Pessa'h, זמן חרותנו, est une perspective toujours contemporaine. La mitsvah, ainsi comprise, consiste à tenter de parvenir à notre propre liberté, de sortir de notre propre Égypte, de nos mauvaises midot, de l'influence de la culture ambiante.

Chaque année, une providence particulière s'épanche sur nous pour permettre d'identifier et de surmonter ces petits et grands esclavages qui nous empêchent de servir Hashem comme il le faudrait. Ne laissons pas passer cette occasion !

פּשׂח כּשׁר וסמח

Adapté de Rabbi Naftali Hoff - Torah.org

Mis en ligne le 7 Nissan 5777 - 3 avril 2017

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