BEHA'ALOTEKHA 5776 : PATIENCE DU DIRIGEANT
Patience du dirigeant
כאשׁר ישׂא האמן את הינק
« Comme le nourricier porte le nourrisson » (Nombres, 11,12)
Le Rav Issakhar Dov Rubin raconte qu'on demanda un jour au Rav Tzvi Yehuda Berlin de Volozhyn (le Netsiv) d'où il tenait la patience et l'indulgence exceptionnelles dont il témoignait vis-à-vis de tous et de chacun.
Il répondit qu'il ne s'agissait pas là d'un trait de caractère qu'il lui aurait fallu travailler, développer et raffiner, mais bien d'une obligation faite par la Torah à celui qui prétend diriger une collectivité.
'Hazal posent en effet la question dans le Traité Sanhédrin (7a) : « Jusqu'à quel point celui qui dirige la Communauté doit-il en supporter la charge ? » et ils répondent en citant le verset de notre Parasha : « Il doit l'endurer comme le nourricier porte le nourrisson »
Que signifie cette métaphore ? Pourquoi la Torah a-t-elle choisi précisément cette figure du nourricier portant son tout-petit ?
Lorsqu'un bébé se salit, ou salit sa Maman de toutes les manières dont un nourrisson peut le faire, va-t-elle le jeter loin d'elle en perdant son sang-froid ? À D.ieu ne plaise !
Tout au contraire, elle va continuer à s'en occuper patiemment et affectueusement. Elle le lavera avec soin, le changera, le vêtira d'habits propres. Elle se changera, elle aussi, avant de le reprendre dans ses bras, pour le nourrir ou le bercer avec amour, jusqu'à ce qu'il s'endorme paisiblement. Et elle sera prête à adopter de nouveau le même comportement, dès le réveil de son enfant, jour après jour...
C'est exactement ce que nos Sages imposent au dirigeant d'une Communauté juive : en supporter et en assumer le joug sans restriction ! Même si un membre de la Communauté le dérange et est une cause de contrariété et d'irritation, même s'il le blesse profondément, qu'il n'en vienne pas, D.ieu préserve, à le repousser, à se mettre en colère contre lui, ou à le chasser de sa présence ! Bien au contraire, poursuit le Netsiv, il lui incombe de le rapprocher de lui, de l'entendre et de le ramener sur la bonne voie, avec calme et gentillesse, en le respectant et en l'honorant.
On comprend ici que pour le Netsiv, ce qui relève chez le « Juif ordinaire » d'une mida qu'il doit travailler et affiner par la prière, l'étude de la Torah et le travail sur soi, est pour le dirigeant de l'ordre de la Mitswah, une obligation qu'impose la Torah Elle-même...
Et pour nous apprendre ce que doivent être la patience et l'amour avec lesquels un dirigeant a l'obligation de mener sa Communauté, la Torah a voulu utiliser précisément ces mots : כאשׁר ישׂא האמן את הינק comme le nourricier porte le nourrisson...