EMEK HAMELEKH (EXTRAITS)
Le Emek haMelekh (la Vallée du Roi), paru en 1648, est l'oeuvre de Naftali Hertz ben Yaakov Elchanan (Bakharakh), largement inspirée par le Limoudei Atzilout de Rabbi Israël Saroug (ou Sarouk), disciple de Rabbi Itshak Luria (le Arizal), fondateur au 16ème siècle de la Cabbale contemporaine (dite "cabbale lourianique").
Les extraits présentés ici, d'après la traduction du Rav Fraenkel, éclairent du point de vue de la Cabbale l'idée fondamentale que la Torah a non seulement été créée avant le Monde, mais a servi de plan, de "code génétique" à la Création divine.
Cette place particulièrement éminente de la Tora occupe dans le système de la Création pemet aussi de comprendre le statut particulier de l'étude de la Torah par rapport aux autres Mitswot. L'étude de la Torah relie en effet celui qui s'y consacre aux niveaux les plus élevés de l'Univers créé, et au but même de la Création.
Voici ces extraits :
Chap. 1
Au commencement de tout, advint dans la Volonté sublime de D.ieu [l'idée] de créer les Mondes, puisqu'il ne peut y avoir de Roi sans peuple, ainsi qu'il est écrit (Mishlei 14,28) : « Le peuple nombreux est la gloire du Roi. »[1]
À ce moment, il n'existait aucun espace pour les mondes, car tout était empli de la Lumière divine du Eyn Sof.
D.ieu réduisit Son Essence pour former la longueur et la largeur d'un espace circulaire qui deviendrait le lieu des mondes. Et il dissimula et rassembla la Lumière dans ce cercle - comme une coquille d'escargot, qui est le « vêtement ». Alors, Il a élevé vers le haut cette Lumière restreinte, laissant en dessous un espace vide de cette Lumière originelle, mais pas entièrement vide, car un résidu de cette Lumière resta en place. [...]
Nos Maîtres enseignent : « [Le projet de créer] Israël vint à Sa pensée, et Il voulut que les justes fussent dans Sa pensée, et Il se réjouit à la pensée qu'Il possèderait un Peuple saint »
Chap. 2
Et dans Sa grande joie à la pensée des justes [qui allaient venir à l'existence], Il se réjouit et eut plaisir à posséder Son Peuple. Ce mouvement [2] généra le plus minime potentiel de jugement (de restriction) qui restreignit (et par conséquent forma) les lettres de l'alphabet hébreu, à partir des points (des particules) de lumière résiduelle (après le retrait de la Lumière) dans le cercle, chaque lettre étant finie et limitée dans cette zone (du cercle).
Le Eyn Sof s'est déplacé, Il a resplendi et brillé à travers le cercle, et ce mouvement est appelé délice. C'est ce délice qui a été la cause d'une séparation en Lui-même, et a généré le potentiel de la mesure (finie) et de l'inscription des lettres, qui sont la Torah.
Chap. 3
On comprend de tout cela que le premier Tzimtzoum (voilement) [dans le processus de formation du tout premier monde (créé) au sein du Eyn Sof Lui-même, qu'on appelle le monde du Malbush, du vêtement] consista en ceci que D.ieu retira la Lumière originelle pour former un espace vide. Le second Tzimtzoum se produisit à partir de l'effet résiduel de la Lumière ôtée, et ce Tzimtzoum transforma cet effet résiduel en particules (discrètes) ou en points, qui, une fois assemblés, connectés les uns aux autres, modelèrent la forme et l'image des lettres (de l'alphabet hébreu) conformément au décret divin.
Chap. 4
Chaque lettre est formée de cent points (particules). Initialement, l'alphabet fut créé de manière séquentielle, et par conséquent, chaque lettre était attachée à toutes les autres lettres, comme l'enseigne le Sefer Yetzira : « Il les pesa, les attacha et les permuta - Aleph avec toutes les autres lettres et toutes avec Aleph ; Beth avec toutes les autres lettres et toutes avec Beth... » Et Il combina ainsi toutes les lettres jusqu'au Tav.
Il en résulta que chaque lettre est l'initiale de vingt alphabets différents, outre les vingt-et-un alphabets qui ont la forme Aleph-Lamed-Beth-Mem, qui est le centre et la force vitale de l'apparence de chaque lettre. La séquence centrale est la lumière intérieure de la disposition au sujet de laquelle il est écrit : « [תִּתְהַפֵּךְ, כְּחֹמֶר חוֹתָם; - Quand elle paraît, la terre se transforme comme l'argile sous le sceau, et] וְיִתְיַצְּבוּ, כְּמוֹ לְבוּשׁ - les choses se présentent comme un riche vêtement (Levoush). » (Iyov 38,14). C'est la Lumière du Vêtement de D.ieu comme il est écrit : « עֹטֶה-אוֹר, כַּשַּׂלְמָה; נוֹטֶה שָׁמַיִם, כַּיְרִיעָה - Tu T'enveloppes de Lumière comme d'un manteau » (Ps. 104,2).
La caractéristique identique [de chaque disposition des alphabets pour chaque lettre de base] c'est qu'il y a toujours dix alphabets au dessus du centre et dix alphabets au dessous du centre, chacun possédant l'esprit de vie, le centre qui fournit la force vitale à la disposition entière [des vingt autres alphabets]...
Il résulte de tout cela qu'il y a deux fois 231 lettres[3] dans chaque disposition pour chaque lettre individuelle, ce qui donne la valeur numérique de Netiv/le chemin (462).
Ainsi, [on a construit une disposition matricielle de 21 alphabets dont chaque lettre sert de pivot] jusqu'à la lettre Lamed[4], pour un total de 231 alphabets[5] en avançant.
[1] Le concept de royauté n'a de sens que dans un environnement de séparation/différentiation, c'est à dire où il semble qu'il existe autre chose que le D.ieu unique. Par conséquent, pour atteindre Son objectif d'être un roi, D.ieu devait créer un environnement séparé de Lui, au sein duquel Son peuple pourrait exister. Ce processus de création est le Tzimtzoum, qui a commencé de manière très subtile, par la création du premier « monde du Eyn Sof » que le Emek haMelekh va expliquer dans ce premier chapitre (Note de Rav Fraenkel)
[2] Ce mouvement provient de Son plaisir. En lui-même, le mouvement est une subtile expression de différence relative, car un mouvement ne peut avoir lieu que si un changement intervient. Cette expression décrit l'apparition d'un changement dans l'état d'absolue Unité de D.ieu, du point de vue de Ses créatures.
[3] Ce qui est égal à 22 lettres que multiplient 21 alphabets soit 462 lettres au total.
[4] C'est à dire pour les 11 premières lettres, de Aleph à Kaf incluse.
[5] C'est à dire 11 lettres que multiplient 21 alphabets.
Mis en ligne le 11 Tevet 5777- 8 janvier 2017